Les Algériens, de par le Sénatus-consulte de 1865, étaient "Français", mais sujets français et non citoyens français. Pour obtenir l’exercice des droits civiques, il fallait aux Algériens demander à être "naturalisés." La condition, nécessaire, mais non suffisante, de cette "naturalisation" était l’abandon du "statut personnel musulman" qui réglait la vie des Algériens au privé, pour l’essentiel, les questions relevant du mariage, de la tutelle, de l’héritage... Ce choix était le préalable, mais la "naturalisation" n’était obtenue qu’au terme d’une longue enquête où l’administration coloniale méditait longuement sur le point de savoir si le requérant était digne d’entrer dans la cité française.
La barrière du statut personnel était en fait une ruse de la raison coloniale qui trouvait là prétexte à maintenir les ALgériens dans un statut inférieur. Elle s’expliquait aussi par l’imaginaire du contentieux entre islam et christianisme. Une hantise obsessionnelle chez les législateurs : qu’on pût être citoyen et polygame, alors même que les Algériens polygames n’étaient qu’une poignée. Au vrai, les compétences des juges musulmans -les cadis- avaient été tellement réduites par les empiètements du droit français qu’il n’en subsistait que des lambeaux symboliques. Mais suffisamment symboliques tout de même pour que les Algériens, dans leur immense majorité, refusassent une "naturalisation" payée du prix de l’abandon du statut personnel musulman : cet abandon était vu comme une apostasie chez un peuple chez qui, en contexte colonial, la religion tenait pratiquement lieu de civisme.