ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


CARLIER Omar

Université Denis Diderot-Paris 7

L’émergence de la culture moderne de l’image dans l’Algérie musulmane contemporaine (1880-1980)

Session thématique « Société et culture »

Mardi 20 juin 2006 - Après-midi - 14h30-16h30 - Salle F 08

Résumé de la communication

Les Algériens n’ont pas attendu les Européens pour exprimer un rapport visuel et esthétique au monde, et développer, inventer, renouveler pour ce faire, des pratiques et des œuvres de toute sorte, populaires ou savantes. En revanche, comme leurs voisins marocains et tunisiens, du moins avant 1830, ils n’ont laissé quasiment aucune place à la reproduction iconique du vivant, et singulièrement à celle de la personne humaine, à la différence des lettrés de haute culture dans les empires ottomans, séfévides et mogols, mais aussi au nord-est de l’Euphrate, dès la fin de l’empire abbasside.

Aujourd’hui, la cause est entendue. La question n’est pas de savoir si la reproduction visuelle imagée du vivant est présente en Algérie, ou au Maghreb, puisque les « étranges lucarnes » sont dans la plupart des foyers depuis près de trois décennies. Elle est de savoir où, quand, comment, par qui et pour qui l’Algérie, et notamment l’Algérie musulmane, est passée à l’époque coloniale d’un système de signes à un autre, sous des modalités et à des rythmes propres, en relation avec l’irruption d’une production iconique venue d’ailleurs, nouvelle en partie pour les ressortissants de la puissance occupante elle-même.

Pendant plus d’un demi-siècle, l’image figurative reste aux yeux des autochtones étrange et étrangère. Toutefois, toujours plus présent en ville, dans certains lieux publics (les rues marchandes, les places, les cafés et les boutiques), associé à de nouvelles pratiques culturelles (le théâtre, la musique et le sport), et de nouvelles méthodes commerciales (la publicité), le visuel pictural est progressivement approprié par une mince avant-garde « musulmane » d’anciens citadins et de nouveaux urbains. Surtout au tournant du siècle, quand triomphe la presse illustrée, la carte postale, l’affiche. À la fin de l’entre-deux-guerres, l’appropriation a changé d’échelle, de registre, de nature. Le cinéma est devenu le grand vecteur de masse. La photographie, non plus seulement collective mais individuelle, tend à se banaliser, avec une intégration du cliché dans la sphère du privé et de l’intime. On passe d’un environnement subi à un rapport construit. Il faut attendre néanmoins la génération de l’indépendance pour que s’opère le passage de l’urbain au rural, et la décennie 1970 pour que la télévision enveloppe la totalité de la société algérienne dans un nouveau rapport à soi et au monde, au présent et au passé, non sans que demeurent des écarts et des tensions très importants dans la gamme des pratiques, des usages et des représentations.

Curriculum vitae

Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Denis Diderot-Paris 7. Membre du laboratoire SEDET, Université Denis Diderot-Paris 7, responsable de l’axe politique. Membre associé du Centre de recherches africaines (CRA), Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne. Membre associé du Centre de recherche sur l’Histoire sociale de l’Islam méditerranéen, École des hautes études en sciences sociales.

Publications

-  Socialisation politique et acculturation à la modernité. Le cas du nationalisme algérien ( De l’Étoile Nord-Africaine au Front de Libération Nationale, 1926-1954), thèse d’État, Paris, IEP, 5 vol, 1994.

-  Entre Nation et Jihad, histoire sociale des radicalismes algériens, Paris, Presses de Sciences-Po, 1995.

-  avec Nadir Marouf, Espace maghrébin, la force du local ?, Paris, L’Harmattan, 1996.

-  « Les enjeux sociaux du corps. Le hammam maghrébin (XIXe-XXe siècles), lieu pérenne, menacé et recrée », Annales , histoire, sciences sociales, 6, nov-déc 2000, p. 1303-1333.

-  « Le moudjahid, mort ou vif », in Mémoires de la guerre d’Algérie, A. Dayan et L. Valensi (éd.), Alger , Bouchène, 2004.

-  « Violence(s) », in La guerre d’Algérie(1954-2004). La fin de l’amnésie, M. Harbi et B. Stora (éd.), Paris, Robert Laffont, 2004.

-  « De gaulle et Ben Bella », in Dictionnaire De Gaulle, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.

-  « Le discours de Constantine », in Dictionnaire De Gaulle, Paris, Presses de Sciences Po, 2006.

-  « Julien Charles André », in Dictionnaire des orientalistes, L. Valensi et F. Pouillon (éd.), Paris, Karthala, 2006.

-  « Braudel Fernand », in Dictionnaire des orientalistes, L. Valensi et F. Pouillon (éd.), Paris, Karthala, 2006.

-  Émigration et politique. Genèse et essor du nationalisme algérien, Alger, Bouchène, 2006 (à paraître).

Colloques

-  La construction corporelle du leadership politique dans les pays du Sud à l’époque contemporaine, Université Denis Diderot-Paris 7, décembre 2005 (à paraître).

-  Oralité et scripturalité au Maghreb, Oran, URASC, 1987.

-  Lettrés, intellectuels et militants en Algérie (XIXe-XXe siècles), Oran, URASC, 1986.

Conférences

-  « Algiers, scenes from everyday life », Workshop Walls of Algiers : Artistic, cultural, and urban forms in the colonial and postcolonial city, Los Angeles, Getty Reaserch Institute, 27-28 mai 2004.

-  Les lieux de sociabilité au Maghreb (XIXe-XXe siècles), Washington, Université Georgetown, mars 2004.

-  La figure du Moudjahid comme construction historique de l’imaginaire : culture politique et longue durée, Université Yale (New Jersey), mars 20004.

-  Mise en scène du corps et construction du leadership dans le Maghreb contemporain, Université Yale (New Jersey), mars 20004.



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