ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


BOUGHERARA Nassima

Université Stendhal-Grenoble 3

Les rapports franco-allemands à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963) : l’installation et l’action des indépendantistes algériens en République fédérale d’Allemagne

Session thématique « France, guerre d’Algérie et enjeux internationaux »

Mercredi 21 juin 2006 - Matin - 9h-11h - Salle F 05

« Je sais que vous avez des amis algériens. Sachez une chose : je ne les aiderai pas, mais je ne les gênerai pas. Pourvu qu’il n’y ait pas d’attentats et surtout qu’ils soient discrets avec leurs valises ! »
(Konrad Adenauer à Hans-Jürgen Wischnewski)

Cette étude se fonde essentiellement sur l’exploration et l’analyse d’un corpus d’archives diplomatiques françaises et allemandes ainsi que sur l’exploitation d’interviews d’acteurs politiques allemands et algériens. Elle traite de l’évolution de la politique étrangère allemande, de la politique de soutien pratiquée en République fédérale d’Allemagne (RFA) à l’égard de la Fédération de France du Front de libération national (FLN) et des incidences qu’elle provoque sur le cours des relations franco-allemandes dans le contexte de la guerre froide, de la décolonisation et de la construction de l’Europe. Elle couvre donc la période qui s’étend des accords de Paris (1955) au traité de l’Élysée (1963)[1].

L’énoncé des sujets abordés dans cette recherche contingente la réflexion sur le terrain de l’histoire politique, elle s’efforce de révéler la trame complexe qui sous-tend les rapports de pouvoir et les conflits d’intérêts qui opposent des stratégies institutionnelles à des logiques de groupes de pressions.

De l’utilisation des archives diplomatiques

Les difficultés rencontrées lors des démarches accomplies en vue d’accéder à certaines archives ont influé sur l’orientation de la recherche.

J’ai constitué un corpus de documents diplomatiques à partir des fonds du ministère fédéral des Affaires étrangères à Berlin, de ceux du Quai d’Orsay à Paris et d’archives privées allemandes - procès-verbaux divers, notes, rapports de travail, discours, essai - déposées par leurs propriétaires auprès de la Fondation Friedrich Ebert du parti social-démocrate allemand (SPD) à Bonn.

Soucieuse d’éviter de faire double emploi avec les études déjà effectuées, animée par le souci d’appréhender - au-delà du miroir - d’autres questions plus complexes dont certains documents étaient porteurs d’indices, j’ai délibérément privilégié l’exploitation des archives diplomatiques réservées, obtenues sans avoir compris les critères exacts qui ont permis leur accès.

L’enregistrement et l’édition de la documentation officielle offrent, par ailleurs, une version sélective et « diplomatiquement correcte » de ce qui fut. Incomplets et encombrants, ces documents trahissent par leur présence d’autres vides à combler et posent la question de leur emploi et de leur réajustement pour rendre possible une narration du réel.

Mais la documentation obtenue par dérogation peut aussi poser question, à savoir : quelle histoire me permet-on - et dans une certaine mesure - de fabriquer à mon tour, aujourd’hui, et pourquoi[2] ?

L’examen des documents fait apparaître de grandes zones obscures qui ne facilitent pas l’éclairage du passé. Le réel qu’ils transmettent est aussi « un réel du clandestin et de l’officieux ». L’histoire se dédouble et se joue sur plusieurs partitions. On peine à se frayer des voies claires entre l’histoire officielle, discrète et réservée, et une autre histoire « parallèle », aux options multiples.

Un paysage politique et idéologique surprenant se dégage - à l’insu même de ses auteurs qui remet en question les classifications d’usage, suggère des rapports de force très fluctuants et des luttes internes idéologiques qui ne se réduisent pas au schéma de la simple opposition Algériens contre Français, Allemands de l’Ouest aux côtés de la France et du monde libre, Allemands de l’Est aux côtés des indépendantistes algériens soutenus par l’URSS, ni au schéma classique opposant des institutions françaises et allemandes homogènes à des bandes de hors-la-loi, relevant du droit commun, ni à un groupe de puissances occidentales alliées agissant en bloc uni au sein de l’OTAN.

On observe deux moments dans la production du document diplomatique : dans un premier temps, il sert à faire la guerre contre les « rebelles du FLN ». Puis, à l’ouverture des négociations sur l’autodétermination, malgré les pressions des officiels fidèles à l’esprit de l’Algérie française, s’opère un changement de tendance : dans un second temps, le document sert d’éclaireur et tente de dénouer les nœuds de fils conducteurs menant à la préservation des intérêts français dans une future Algérie indépendante, d’une part ; la question algérienne étant en voie de résolution, le document fonctionne au service d’une politique de défense dynamique et de coopération nucléaire avec la RFA, d’autre part. De la diplomatie de guerre on passe progressivement à la diplomatie du mémorandum et de la défense.

Plausibilité et intelligibilité des événements

Les efforts de propagande et l’intense activité diplomatique du Quai d’Orsay, que révèlent de nombreux documents, confirment un intérêt croissant pour la question algérienne.

Ils traduisent le mécontentement grandissant et le désarroi de Paris face à l’internationalisation du conflit. Mais, le refus larvé de l’administration allemande de répondre aux injonctions françaises et la question difficile de la coopération franco-allemande en matière de défense nucléaire aggravent peu à peu le contentieux entre les deux États.

Les témoignages et les archives le confirment, c’est sous couvert diplomatique et discrètement que les interventions allemandes ont lieu et que les actions sont contrôlées : c’est donc dans ce cadre que l’on s’interroge aussi sur l’enjeu que pouvait représenter une Algérie indépendante pour la RFA, sur les motivations et les perspectives des hommes politiques allemands, au tournant des années 1960, face aux réactions et aux interventions de l’État français.

Quelle signification avait alors la politique allemande officielle dont la caractéristique principale semblait être celle de la réserve ? Quelles en étaient les implications ?

Le 8 mai 1945, l’Allemagne capitule sans conditions. Ce sont aussi les fondements politiques et idéologiques du xixe siècle impérial qui s’effondrent en Europe.

En 1949, dans un monde évoluant vers de très fortes divisions, le nouveau gouvernement fédéral est soumis aux impératifs de l’évolution internationale, non sans réticences, mais sans grande marge d’initiatives, non plus. Il va devoir manœuvrer pour tenter de réduire le statut d’« objet provisoire » que les deux grandes puissances - l’URSS et les USA - lui concèdent et se partagent. Il opte pour une politique apparemment neutraliste.

En 1955, les autorités fédérales ont rétabli les relations diplomatiques avec l’URSS, elles appliquent la doctrine Hallstein[3] et ne souhaitent pas prendre officiellement position en faveur d’une Algérie française car elles craignent de voir les pays non-alignés, les États africains et arabes rejoindre l’URSS et reconnaître la République démocratique allemande (RDA).

L’aspiration à la réunification allemande et l’inquiétude de voir les forces alliées britanniques et américaines se désengager de l’Europe occidentale, accrue par celle d’une hégémonie soviétique sur le flanc sud de l’Europe, induisent les dirigeants allemands à développer des stratégies de consolidation de la construction européenne et d’élargissement de leurs sphères d’influence dans le monde. Ils optent pour une neutralité pragmatique à l’égard des autorités françaises et de « laisser-faire » face aux actions du FLN installé sur leur territoire, au cours de l’année 1957.

De la diplomatie allemande et de sa signification politique

On ne peut affirmer l’existence d’un concept fédéral préétabli, rigoureusement réfléchi et appliqué, mais avancer l’idée qu’un projet s’élabore et s’expérimente à partir des leçons terribles tirées de l’histoire récente, qui se fonde essentiellement sur une volonté unanime de ne pas se laisser neutraliser et de ne pas rester divisés.

Au nom de la paix, de la sécurité, de la reconstruction et de la liberté, la division est provisoirement tolérée. Le chancelier Konrad Adenauer défend le concept d’une « politique de force » (Politik der Stärke), selon laquelle l’unité finirait par s’obtenir et se réaliser grâce à une économie forte. La sécurité et la souveraineté de l’Allemagne se consolideraient par un ancrage au sein de l’Union des États de l’Europe occidentale et de l’alliance atlantique.

Bien que la question algérienne ne pouvait se laisser grossièrement classer dans l’antagonisme de la guerre froide entre « bloc capitaliste » et « bloc communiste » de par sa dimension nationaliste et de par les réactions de solidarité qu’elle suscitait tant auprès du monde musulman qu’une d’une partie de l’opinion chrétienne, le chancelier est convaincu que la perte de l’Algérie française est un danger pour le bloc Ouest et qu’elle facilitera l’expansion soviétique dans le bassin méditerranéen.

La guerre en Algérie ne serait pas une guerre coloniale mais la continuation de celle menée contre le Viêt-minh. Les Américains n’auraient pas encore compris le projet russe, celui qui consiste à encercler l’Europe occidentale par l’Allemagne, d’une part, et par l’Égypte et la Méditerranée d’autre part[4].

C’est donc au nom de la sauvegarde du « monde libre » et des nations chrétiennes occidentales qu’il soutient discrètement - dans un premier temps et jusqu’à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle - la politique française en Algérie.

Tributaire de la construction européenne et de la réconciliation franco-allemande, la résolution de la question allemande conditionne la politique fédérale. Il n’est pas encore question de concurrencer la présence française en Afrique ni de toucher à ses intérêts, et cela même au détriment des intérêts allemands.

À partir de 1956, ce n’est pas seulement la crise du canal de Suez qui suscite les appréhensions de l’administration allemande, c’est aussi la question algérienne qui sera posée à la prochaine session de l’ONU. L’Allemagne de l’Ouest a encore moins de raisons que les États-Unis de se lier aux intérêts franco-britanniques. L’industrie allemande a des intérêts distincts au Moyen-Orient. Aussi préconise-t-on, dans les milieux d’affaires, une complète neutralité de la République fédérale sur cette question. Le commerce, la finance et l’industrie lourde s’empressent auprès des pouvoirs publics afin que leurs positions économiques ne soient pas mises en cause.

Par ailleurs, l’offensive économique de l’URSS vers les pays arabes, la coordination de l’action économique des États occidentaux face à cette pénétration, l’approvisionnement de l’Europe en pétrole, nécessaire à la production d’armes conventionnelles et stratégiques, essentielles pour sa défense, ainsi que la participation des industriels allemands à l’équipement et à l’industrialisation de ces régions sont les sujets qui préoccupent autant le gouvernement fédéral que l’industrie allemande[5].

En matière de politique extérieure et économique arabe, les deux États allemands s’influencent : l’un est conditionné par l’application de la doctrine Hallstein, l’autre par son aspiration à la reconnaissance internationale. Ces contradictions interallemandes sont utilisées par les non-alignés pour atteindre autant qu’ils le peuvent leur objectif de souveraineté entière. La solution de la question algérienne et l’évolution des rapports économiques de l’Algérie post-indépendante avec les deux États allemands en offrent un bon exemple.

Si l’application de la doctrine Hallstein est progressivement mise à l’épreuve et confrontée à ses limites, cela ne signifie pas pour autant que les dirigeants du FLN sont prêts à reconnaître le gouvernement est-allemand et qu’ils bénéficient en RDA d’un soutien comparable à celui qui leur est réservé en RFA[6].

Une politique extérieure allemande dite de réserve ?

Des rapports adressés par l’ambassade de la RFA à Paris au ministère des Affaires étrangères et à la chancellerie à Bonn révèlent que les dirigeants allemands sont, depuis le déclenchement de l’insurrection algérienne, régulièrement et judicieusement informés sur la situation politique, sociale, économique et militaire qui prévaut en Algérie et sur les actions du FLN et du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA)[7].

L’identité musulmane et algérienne de cette région du Maghreb y est reconnue ; certes elle n’est pas une partie originelle du monde et de l’espace occidental chrétien, mais cela n’exclut pas pour autant de penser le développement de nouvelles relations.

La conscience allemande de la nécessité de reconnaître le droit des peuples à l’autodétermination est précoce et sans ambiguïtés. Reflet de l’évolution des positions gouvernementales et de l’opinion publique, la presse allemande critique l’aveuglement des hommes politiques français face aux nouvelles réalités historiques. On souhaiterait voir la France consacrer plutôt ses forces à la construction et à la défense de l’Europe occidentale que de les investir dans une politique d’une Union française en voie de disparition. Un consensus allemand s’affirme sans équivoque à ce propos.

L’absence de perspectives de négociations de paix, la poursuite de la guerre, la pratique de la torture et les condamnations à mort, la chasse à l’homme orchestrée par les services secrets français, les actes criminels de la Main rouge favorisent l’accueil et l’installation de militants du FLN sur le territoire allemand. Cette question pose problème, elle est débattue en RFA dès 1957 : sans jamais faire allusion à l’Algérie, se référant à la convention des droits de l’homme de 1950 ainsi qu’à la Constitution de la RFA, Bonn pose le problème sur un terrain strictement juridique. Les dirigeants évitent ainsi d’alimenter des controverses pénibles avec le gouvernement français et ceux qui en France accusent la RFA d’abriter des « terroristes ».

En février 1958, les Affaires étrangères fédérales, en collaboration avec le ministère fédéral de l’Intérieur, communique des indications à la presse et aux gouvernements des Länder et précisent la situation de droit telle qu’elle résulte de la constitution, conformément à l’article 16[8]. Le point de savoir s’il s’agit effectivement de poursuites d’ordre politique doit être déterminé par les autorités administratives et judiciaires allemandes compétentes.

Cette attitude officielle facilite à partir de septembre 1958, l’installation de plusieurs centres d’activités de la Fédération du FLN de France en RFA, où son action s’exerce jusqu’à la signature du cessez-le-feu, le 18 mars 1962, dans des domaines divers : information et mobilisation de l’opinion publique et de sympathisants, recrutement de militants et d’étudiants algériens, achats et transports d’armes, convoiements et placements de fonds, recueil des cotisations et d’autres fonds qui assurent le financement de l’organisation et de la guerre d’indépendance, accueil et hébergement des militants du Front qui fuient les poursuites des services de police français.

En leur âme et conscience, parfois par idéalisme, des femmes et des hommes agissent au-delà des clivages traditionnels gauche/droite. Des personnalités s’engagent, convaincues du non-sens colonial, elles interviennent légalement et/ou en parallèle de la politique officielle menée par l’équipe gouvernementale du chancelier Konrad Adenauer, dans le cadre constitutionnel de la Loi fondamentale (Grundgesetz) ou des orientations politiques définies par les programmes de leurs partis qui servent de référence et parfois de parapluie en la matière.

On assiste au développement de stratégies originales, à une répartition des tâches à géométrie variable qui se déroule au fur et à mesure que la guerre s’intensifie et se pense sous les pressions et dans l’urgence des priorités fédérales et internationales.

Des rôles et des missions se distribuent entre la coalition gouvernementale (CDU-CSU-FDP[9]) et l’opposition (SPD[10]), entre le Parlement (Bundestag) et le ministère des Affaires étrangères, certaines ambassades, les ministères de l’Intérieur, de la Justice et les institutions régionales des Länder, d’une part, et d’autre part entre elles et la société civile.

Les représentants du gouvernement fédéral en poste à l’étranger établissent et entretiennent des contacts officieux avec les représentants du GPRA.

C’est sous le couvert des actions de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge algérien qu’une aide financière et matérielle est assurée au FLN par le biais des missions diplomatiques fédérales en Afrique et dans certains États arabes[11] tandis que sont établis par l’entremise de responsables de la Ligue arabe et des ambassades marocaine et tunisienne les premiers contacts avec des dirigeants nationalistes algériens - à qui l’on autorise le passage et de courts séjours sur le territoire fédéral.

Les mémoires de Paul Frank présentent une approche originale de ce que trente années de politique extérieure allemande furent dans les coulisses et à la table des négociations[12]. Témoin particulier de cette histoire, haut fonctionnaire de l’État allemand, il développe une pensée qui s’est traduite en actes politiques, contestés et pouvant paraître contestables à une époque où peu d’hommes politiques - et encore moins de fonctionnaires - osaient s’engager de façon aussi concrète dans la résolution de questions politiques graves, entre autres celle de l’indépendance algérienne.

De 1958 à 1962, il agit en défenseur et protecteur des militants du FLN qui se réfugient et opèrent sur le territoire fédéral. Homme de l’ombre, Paul Frank intervient à l’échelon fédéral et diplomatique, à la périphérie de la politique extérieure allemande, mais toujours au sein et sous couvert des institutions, parfois à contre-courant du concept de politique extérieure, développé par Konrad Adenauer.

Au cours de notre entretien, Paul Frank est très explicite à ce sujet et il me déclare sans aucune hésitation :

La guerre coloniale perturbait également les autres voisins européens, nous étions d’avis que l’on ne pouvait pas contester le droit à l’indépendance revendiqué par les Algériens. La politique de ceux qui voulaient conserver l’Algérie française nous inquiétait, or ces derniers revenaient au pouvoir avec l’élection de la nouvelle Assemblée nationale, celle en « zigzag » menée par le général de Gaulle a inutilement prolongé la guerre.[13]

Mon engagement pour le droit des Algériens au recouvrement de leur souveraineté ne répondait pas seulement à des motivations humanistes, mais également au souci de conserver intactes des perspectives de coopération après la guerre, car je ne doutais pas, un seul instant, de l’indépendance de l’Algérie. Il nous fallait préserver nos futurs partenaires. Ce sont bien 3 000 militants du FLN que nous avions recensés, je dis bien 3 000 militants ! Aussi longtemps que je me suis occupé des secteurs de l’Europe de l’Ouest et de l’Afrique du Nord au ministère des Affaires étrangères, jamais aucune extradition de membres du FLN n’eut lieu, je m’y suis toujours opposé, car leur extradition aurait signifié leur mort. Cela ne fut pas tâche facile, car la considération à l’égard du voisin français avait la priorité.
Mais, nous ne pouvions pas non plus approuver la politique algérienne de monsieur Michel Debré et de ses gaullistes à 100 % qui pensaient pouvoir prendre la RFA en remorque[14].

Le chancelier et les Chrétiens-démocrates observent une attitude distante, jouent la solidarité discursive avec le difficile voisin français, mais ils s’abstiennent aussi de réagir publiquement à ses récriminations.

Soucieux de consolider et d’améliorer ses rapports avec l’État français, le gouvernement fédéral ne condamne pas les responsables politiques et militaires qui décident de « rétablir l’ordre », mais il ne soutient pas publiquement la guerre coloniale. Bonn ne reconnaît aucune institution provisoire du futur État algérien, mais laisse agir l’opposition social-démocrate et les jeunes générations allemandes qui refusent la logique des guerres coloniales et qui ont bien du mal, par ailleurs, à tolérer l’occupation de l’Allemagne et sa division.

Le contentieux franco-allemand

La politique extérieure fédérale qui s’exerce parallèlement en faveur du processus de paix et de négociation en Algérie, dont l’exercice périlleux et ambivalent se révèle novateur, ne remet pas en question la solidité du rapprochement franco-allemand, mais en souligne les contradictions et les limites.

Des questions particulières vont aiguiser le rejet de la politique coloniale, elles provoquent la suspicion durable des gouvernements français. Un état des lieux de l’aide de l’Allemagne au FLN est régulièrement mis à jour par les autorités françaises[15].

Le développement et l’entretien régulier de contacts entre les principaux chefs des États non-alignés et les autorités fédérales depuis la conférence de Bandoeng, l’installation de la représentation du FLN à Bonn, l’achat d’armements en Europe centrale organisé à partir du territoire fédéral, les divers attentats et les assassinats organisés sur le territoire fédéral par la Main rouge, l’arraisonnement de bateaux ouest-allemands par la marine de guerre française, la livraison de matériel militaire d’entreprises ouest-allemandes au FLN via les États arabes avec lesquels le gouvernement fédéral entretient de bonnes relations commerciales, les appartements et les comptes bancaires de députés allemands mis à la disposition officielle des personnalités politiques algériennes, le recrutement de jeunes mineurs allemands dans la Légion étrangère, le refus d’extrader, à quelques mois de l’indépendance, le futur ambassadeur algérien à Bonn, représentant du FLN depuis 1958 en RFA, nourrissent le contentieux franco-allemand.

La part des influences étrangères dans la « rébellion »

Dès 1955, les premiers rapports des services de renseignement tentent de démêler le vrai du faux et de faire la part des « influences étrangères dans la rébellion ». Des bilans de l’aide accordée au FLN en RFA sont régulièrement établis[16].

Dans une lettre manuscrite, datée du 12 mars 1956, les services du ministère de l’Intérieur évoquent des documents qui prouvent l’ingérence dans les trafics d’armes d’agents américains ou anglais, basés à Tripoli, en Libye. Pour des raisons de sécurité, ils recommandent que certaines informations ne soient plus communiquées aux services du Quai d’Orsay.

Les archives consultées sont plus bavardes que les mémoires et les témoignages officiels. Elles confirment qu’un réseau complexe et ancien avec des ramifications internationales chargé de collecter l’aide financière et en armement se structure autour des activités du FLN. Parfois, les renseignements de « grande valeur » sont produits à partir de documents récupérés en Algérie et transmis par la Division militaire d’Alger. Les récapitulatifs réguliers des principaux renseignements fournis par la Délégation générale du gouvernement en Algérie, adressés par le Délégué général au secrétaire d’État aux Affaires algériennes, sont pour la plupart de « sources protégées » et il est porté mention qu’ils ne peuvent être communiqués qu’aux autorités habilitées.

À partir de 1958, les services font état de données très précises sur l’évolution des activités du FLN et de l’ALN, sur les diverses restructurations, sur les dirigeants et leurs multiples identités, sur l’état des finances, les sources d’approvisionnement en armes, leurs quantités et leurs lieux de stockage principaux[17].

Les répercussions internationales des activités algériennes sont disséquées. L’attitude des Alliés et du gouvernement fédéral, de l’opposition allemande, des divers partis politiques, des médias et de l’opinion publique sont surveillées et font l’objet de très nombreuses interventions des autorités françaises à divers niveaux, elles sont relatées, commentées, quantifiées et consignées[18].

Les services sont donc performants et l’on pourrait s’étonner, à la lecture de ces masses d’informations, que l’administration française n’ait pu juguler le mouvement, ou n’ait pu être en situation d’accorder à temps sa juste mesure à la détermination des insurgés et à l’ampleur des opérations.

Le financement du Front de libération national en métropole

Les indépendantistes mettent en œuvre plusieurs procédés pour la recherche de ressources financières par l’élargissement des recrutements et l’augmentation des cotisations de base, contrôlées par les cadres et les collecteurs de l’organisation.

Les dépenses résultant de l’administration intérieure et de la guerre seraient couvertes par les contributions des Algériens. L’aide extérieure couvrirait les autres dépenses.

En dehors du territoire algérien, le Front subvient à l’équipement et à l’entretien de l’armée stationnée aux frontières tunisienne et marocaine. Il fournit également à l’armée de l’intérieur le matériel militaire qu’elle ne peut se procurer en Algérie. Il assure le fonctionnement des différents départements ministériels du GPRA et de ses représentations à l’étranger. Il verse des allocations destinées à lui conserver le soutien des populations algériennes réfugiées à l’extérieur. Il subventionne les wilayas d’Algérie dont le budget est déficitaire et assure le fonctionnement de la Fédération de France.

En 1956, les services français ont la possibilité de préciser la progression des contributions financières grâce aux documents saisis sur les responsables frontistes appréhendés. Un rapport financier, pour l’année en cours et pour toute la France, donne pour les cotisations un montant total de 15 063 000 francs, auxquels s’ajoutent 490 770 francs de dons et amendes, 253 604 francs de ventes de journaux et 2 682 126 francs provenant de l’impôt sur les commerces, 3 518 000 francs de recettes exceptionnelles provenant de « journées nationales de solidarité » : soit une recette globale de 22 007 500 francs, dont 3 260 500 ont été prélevés pour frais de fonctionnement[19].

En octobre 1957, à partir de la découverte des rapports financiers des wilayas de Paris, Nord-Est et du Centre-Sud, de Marseille-Périphérie, ainsi que de documents organiques, les services français calculent le montant des contributions à 1 milliard 300 millions de francs environ. La Fédération de France, qui recueillerait annuellement plus d’un milliard, en conserverait 15 % pour ses dépenses de fonctionnement.

En mai 1958, l’augmentation des cotisations et des amendes aidant, la recette est globalement estimée à 2 milliards 400 millions pour l’année. Les sommes recueillies en Algérie atteindraient 6 à 8 milliards par an.

Une étude détaillée, produite en janvier 1959, par les mêmes services, permet d’établir que pour ce mois le FLN a recueilli en France environ 270 millions de francs dont 190 millions mis à disposition du Gouvernement provisoire[20].

Le Front met sur pied un système de filières qui placent les fonds à l’abri des services de police et de douane, bien que les risques demeurent grands au passage des frontières.

Des envois de mandats postaux s’effectuent vers l’Algérie par des boîtes postales à destination des villes d’Oujda pour le Maroc et de Tunis. Mais, la plupart du temps, les transferts s’opèrent de Paris sous le couvert de la « valise » des ambassades de Tunisie, du Maroc et des représentations en France des pays membres de la Ligue arabe.

Néanmoins, ce sont encore les virements bancaires qui offrent le plus de discrétion et de sécurité. Les services français n’excluent donc pas que les indépendantistes soient contraints d’avoir recours à des concours privés de milieux d’affaires qui financeraient très souvent ces trafics contre la promesse de facilités qui leur seront ultérieurement accordées pour des investissements lucratifs en Afrique du Nord.

De grands établissements bancaires internationaux garantissent ces financements. La perspective de l’importance des gains escomptés incite à la collaboration malgré les risques encourus[21]. Des comptes sont ouverts dans différentes banques européennes par des prête-noms, des diplomates, des banquiers, des entrepreneurs et des commerçants dont les opérations professionnelles couvrent les transferts de fonds.

L’aide extérieure à la métropole

Depuis 1957, les Renseignements généraux signalent à la Commission de surveillance des banques les agissements suspects de certains organismes dont la banque franco-américaine qui assurerait son concours pour l’acheminement de fonds de la métropole vers l’étranger[22].

La Suisse demeure la plaque tournante et le lieu de rencontre des chefs indépendantistes et des trafiquants d’armes. Le gouvernement suisse, s’abritant derrière l’argument de la neutralité, ne donne pas satisfaction aux requêtes pressantes des autorités françaises d’interdire l’accès de son territoire aux responsables algériens.

Les banques suisses, assurées par la Constitution helvétique du secret, acceptent les dépôts de fonds et les transactions qui servent au financement des achats d’armes. Il s’agit de la Volksbank, du Crédit suisse, de l’Union des banques suisses, de la Banque de Commerce de Genève et de la Handelsbank de Zurich : spécialisés dans le commerce Est-Ouest, ces organismes se chargent du transit des équipements et des armements vers la Tunisie[23].

Au Liechtenstein, de nombreuses sociétés financières interviennent dans les opérations de vente d’armes et servent de couverture aux établissements suisses et allemands qui veulent conserver l’anonymat.

En Allemagne fédérale, la Commerz und Disconto Bank de Hambourg couvre les trafics d’Otto Schlüter. Depuis 1956, la Banque Martin Friedburg de Hambourg fournit les nombreuses opérations de ravitaillement du FLN. En décembre 1958, cette banque intervient dans la fourniture d’explosifs saisis à bord du Granita. La Banque hispano-allemande de Francfort participe au financement des achats d’appareils radio et c’est auprès de la Deutsche Bank de Francfort que des émissaires algériens ouvrent des comptes dont l’ampleur des mouvements de fonds ne semble pas avoir attiré l’attention des autorités fédérales.

Datés de 1958, des documents du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) révèlent les premiers bilans des recettes et des sommes recueillies et versées à divers établissements bancaires de Syrie, de Suisse et d’Allemagne fédérale au profit du FLN. Ils confirment que l’aide extérieure prend de plus en plus d’importance dans le budget du Front, mais sans pouvoir donner de pourcentage exact ; une fraction de cette aide finance la guerre en Algérie[24]. Elle se manifeste sous forme de dons en argent, de dons en nature et de facilités diverses accordées sous forme de subventions déguisées. Elle provient de la Ligue arabe, d’États arabes, d’États européens, d’organisations internationales et d’organismes divers dont certains ont été créés spécialement à cet effet.

La contribution de la Ligue arabe s’élève à 2 200 000 000 de francs, celle des États arabes à plus de 7 milliards, de la Chine à 90 000 000, de l’Inde à 88 000 000, de la RDA à 30 000 000[25], et de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) à 21 000 000 francs français[26].

Ces chiffres sont considérés par les services français comme des ordres de grandeur, ils signalent que certains, indiqués par les États arabes, peuvent relever de la propagande. Certaines sources sont clandestines[27], d’autres fournissent des subventions indirectes qui ne peuvent être chiffrées, le total calculé pour l’année 1958, soit plus de 11 milliards de francs, est considéré comme un minimum[28].

Ces mêmes services ont du mal à préciser la répartition géographique de l’utilisation des crédits, ils admettent très approximativement que les achats sont réalisés pour un tiers en Europe, que le centre d’activité principal est apparemment l’Allemagne fédérale où les commissions d’achat du FLN disposent d’un budget de près d’un milliard et demi de francs[29] et où elles procèdent à son approvisionnement en matériels techniques perfectionnés comme les équipements de transmission et de pièces de rechange pour les postes radios.

La quasi-totalité des équipements provient d’Europe occidentale, de l’URSS et de la Chine. L’« aide gratuite » de certains pays socialistes expliquerait les efforts du GPRA en direction de ces États, tandis que les achats réalisés dans les pays limitrophes de l’Algérie ne représentent que la plus faible part des dépenses globales.

En 1959, le total des dépenses du FLN et de l’Armée de libération nationale (ANL) est évalué à 9,4 milliards de francs, non compris la Fédération de France. Le montant des crédits débloqués pour les achats d’armes identifiés est estimé de 130 à 145 millions à l’Ouest, et de 830 à 970 millions à l’Est dont 4 à 500 millions pour les armes livrées en Libye[30]. Pour les autorités françaises, ces chiffres paraissent compatibles avec les données fournies par l’inventaire des livraisons reçues par le ministère des Liaisons générales et des Communications[31]. Le total des paiements effectués par le ministère de l’Armement et du Ravitaillement général se monte à 550 millions à l’Ouest, à 2 505 millions à l’Est et les sommes versées par le ministère des Liaisons générales et des Communications à 345 millions.

Les réserves des caisses du ministère algérien des Finances sont estimées à un minimum d’un milliard : 500 000 millions sont conservés en RFA et plus de 500 000 millions en Syrie, à Damas[32]. Les sommes que le FLN consacre aux achats d’armes dépassent largement ses possibilités financières, censées être couvertes par l’apport des cotisations.

Il apparaît que l’organisation extérieure consent un effort de plus en plus conséquent pour l’entretien de l’ALN, représentante concrète de la puissance du FLN, au-delà des barrages frontaliers. L’accroissement du potentiel de l’armée absorbe les trois-quarts des crédits consacrés à l’acquisition du matériel militaire. En 1959, près de 3,5 milliards de francs sont mis à la disposition du commandement pour l’achat d’armes et de matériel de transmission ainsi que pour l’uniformisation de l’armement[33].

La structure des dépenses fait nettement apparaître une volonté de donner à l’armée frontalière la dimension d’une armée régulière devenant l’appui essentiel de la politique du GPRA.

La logistique et les filières du trafic d’armes

Les lieux principaux du trafic d’armes, régulièrement indiqués, sont Anvers, Brême, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Bern, Lausanne, Zürich et Genève.

Dès 1955, des dépêches signalent que les services français procèdent à la surveillance des exportations et des livraisons d’armes belges au Front qui, sous couvert de contrats avec des pays tiers, se procure des munitions, des explosifs, des tenues militaires et des médicaments[34].

En Belgique, la vente des armes constitue un point essentiel du commerce extérieur. Les usines d’armement sont privées et sont contrôlées par la Société générale, le plus puissant financier du royaume. Les fournisseurs sont la Fabrication nationale d’armes de guerre d’Herstal, les Poudreries réunies de Belgique et la société mecar ; elles sont placées sous la surveillance de l’attaché militaire français, mais l’expédition des armes, transportées sous fausse étiquette, est difficilement contrôlable et se poursuit à destination de la Tunisie et du Maroc.

Des industriels belges, agissant sous des prête-noms, vont jusqu’à envisager la construction d’une fabrique d’armes et d’une cartoucherie au Maroc en coopération avec les dirigeants de la Fabrique nationale d’Herstal et du Comptoir des Mines et des grands Travaux du Maroc et organisent l’envoi de patrouilleurs côtiers[35].

La compagnie Sabena effectue, en 1957, un transport d’armes de Hambourg à Tripoli. En 1958, elle prend en charge la livraison de vêtements, de couvertures et de produits pharmaceutiques en provenance de la RDA, à Prague, et les transporte vers Tunis, via Tripoli par sa ligne régulière Belgique-Congo.

Les armes, essentiellement des revolvers, des fusils de chasse automatiques et des explosifs, sont achetées par des pays africains ou arabes. Ces transports longent la côte nord-africaine. Ainsi, par exemple, 50 tonnes de dynamite vendues officiellement par la Belgique au Pakistan, ont finalement gagné l’Algérie, via le Maroc[36]. Au Luxembourg c’est la fabrique d’Ettelbrück qui fournit les mitraillettes. En Suisse on procède à l’achat de produits chimiques et d’explosifs[37].

Mais, c’est sur le territoire de l’Allemagne fédérale que les principaux approvisionnements ont lieu. Le FLN y trouve les appuis nécessaires pour négocier ses achats d’armes et de munitions et les faire transporter à destination de l’Algérie et de la France. Les centres de négociation de ces transferts sont Hambourg, Francfort et Düsseldorf. Des firmes et des intermédiaires allemands sont directement mêlés au trafic, ils travaillent en collaboration avec des sociétés de transport établies dans les pays d’Europe de l’Est, d’autant plus qu’il n’existe pas de loi réglementant dans le détail la fabrication et la livraison des armes de guerre.

À Francfort, les contacts sont établis avec des fournisseurs allemands[38]. À Hambourg-Uhlen Horst, la firme Otto Schlüter, spécialisée dans la fabrication d’armes de chasse, s’implique dans l’approvisionnement en armement (fusils Mauser, mitraillettes, cartouches et grenades) et son chargement à destination de Tanger à partir du port de Hambourg[39]. Entre le 19 novembre 1958 et le 16 décembre 1958, une dépense de 420 millions de francs français a été effectuée au Maroc, vraisemblablement en paiement des 70 tonnes de munitions du navire Ravensberg en provenance de Hambourg[40].

En février 1959, le SDECE suit quatre trafics d’armes portant respectivement sur des sommes de 12 millions de dollars, 10 millions de dollars, 2 400 000 de deutsche Mark et 1 127 000 de livres, soit au total 13 milliards de francs environ[41]. Une note en provenance du Commandement des forces françaises en Allemagne renseigne sur des fonds destinés au règlement des marchés de matériel de transmission d’un montant de 600 000 dollars, mis en place, le 6 mars 1959, à la Deutsche Bank de Francfort sur le compte n° 75899, au profit d’un client du FLN[42].

Paris attire l’attention de Bonn sur les livraisons de postes radios et de récepteurs Siemens et Telefunken à Tétouan, via Barcelone et Tanger, à Tunis et en Égypte, qui assurent le réseau de transmission du FLN à travers toute l’Afrique du Nord. Elles font l’objet de plusieurs affaires : au Maroc, en 1957, où la firme Telefunken vend à la société US Products de Tanger des postes émetteurs-récepteurs ANGCR 9, retrouvés en Algérie ; à Tunis, en 1958, où elle livre du matériel radio au gouvernement tunisien et, de Munich, elle expédie des postes à Benghazi, par le biais d’un agent du FLN.

Le stock de pistolets Manurhin découvert à l’aérodrome de Francfort et les arrestations, à la frontière franco-allemande, de passeurs d’armes chargés d’introduire des pistolets mitrailleurs en France, font l’objet de nouveaux entretiens à Bonn, le 18 novembre 1958, qui restent sans résultats convaincants. Le cargo allemand, Ravensberg, transporte, en décembre 1958, à Casablanca plus de 2 millions de cartouches. La firme exportatrice est la Maison Genshow. L’affaire provoque une demande française de procédure pénale et le retrait du permis de se livrer à du commerce d’armes et de munitions à l’étranger.

Au consulat général de France à Tétouan, on se demande à quelles activités se livre le consul général d’Allemagne à Casablanca et l’on s’interroge à propos de certains contacts établis par les missions diplomatiques de Tétouan et de Casablanca.

En effet, de nombreuses lettres sont interceptées par les services français, elles sont signées par le consul allemand, Obermaier, et adressées à des agents du FLN. Ce dernier tient des propos ambigus et inquiétants à son homologue français quant à la formation de brigades internationales à la frontière algéro-marocaine où des officiers égyptiens et tchèques auraient été repérés, et qui juge opportun de signaler que « les radars sont loin d’être une protection absolue » contre le parachutage d’armes[43].

Les enquêtes et la législation allemandes sont peu efficaces[44], Bonn ne souhaitant pas placer les exportateurs allemands dans une position d’infériorité par rapport à leurs concurrents du pacte atlantique. Il n’y a pas de politique clairement définie en la matière par les États membres de l’OTAN[45]. Les contrôles administratifs fonctionnent tant bien que mal. Ils sont supprimés à partir d’août 1958. Paris n’obtiendra pas que les Allemands les rétablissent, ces derniers arguant qu’ils n’en ont pas les moyens juridiques et qu’il faut attendre la nouvelle loi en cours d’élaboration[46]. L’alinéa 2 de l’article 26 de la Loi fondamentale prévoit seulement que la production, le transport et la mise en vente des armes destinées à faire la guerre, ne peuvent se faire qu’avec l’approbation du gouvernement fédéral. Les dispositions de détail doivent encore faire l’objet d’une loi fédérale. L’ambassade d’Allemagne à Paris confirme qu’elle ne peut pas s’opposer aux exportations car une grande partie du matériel n’est pas considéré par le Comité de coordination pour le contrôle des exportations multilatérales (COCOM) comme matériel militaire[47].

Les interventions auprès des services du ministère fédéral des Affaires étrangères et de l’ambassade des États-Unis se multiplient, car les émetteurs-récepteurs sont fabriqués sous commande off shore et sont exportés avec l’autorisation des services militaires américains.

François Seydoux pose de nouveau la question du contrôle à van Scherpenberg, le 7 janvier 1959, puis au chancelier, le 20 mars 1959. Paul Frank prend la peine d’informer le Quai d’Orsay que la RFA se propose de vendre à la Tunisie des avions de reconnaissance qui serviraient à l’entraînement de l’armée de l’air tunisienne ; cette transaction, plutôt qu’elle ne rassure, éveille encore plus la vigilance des services français[48].

En juin 1959, le gouvernement fédéral adopte un projet de loi sur le commerce extérieur où figure une série de dispositions permettant d’interdire ou de soumettre à autorisation préalable l’exportation de certains matériels à usage militaire et de transmission radiophonique[49] dont les volumes sont manifestement en progression et bien loin de décroître.

Ainsi, au cours de cette même année, les tableaux établis par la Direction générale du renseignement en Algérie font ressortir une répartition des livraisons qui montre que la majorité des matériels de transmission provient de la RFA pour un montant de 170 millions de francs[50]. Cette somme couvre les matériels complets acquis par le ministère des Liaisons générales et des Communications, l’armement livré au ministère de l’Armement et du Ravitaillement général et l’équipement de la Radio-Diffusion algérienne (22 millions de francs).

Ce projet est adopté par tous les ministères, y compris le ministère de l’Économie, habituellement réticent à l’égard des entraves apportées à la liberté du commerce extérieur. Il est soumis à l’approbation du Bundestag et transmis, en octobre 1959, au Bundesrat, la Chambre où s’expriment les résistances de la part des représentants des Länder où sont installées des usines d’armements et des firmes d’exportation en Rhénanie-Westphalie, à Brême et à Hambourg, en particulier.

La réglementation allemande prévoit que toute expédition d’armes soit soumise à une licence d’exportation et à une autorisation préalable des ministères de l’Économie et des Affaires étrangères, mais le texte fait l’objet de nombreuses controverses et n’est toujours pas voté. Les autorités allemandes manifestent leurs bonnes intentions, mais elles ne se traduisent pas dans les faits, aucune sanction n’est prise[51].

L’étude des croquis établie, en février 1960, par la Défense française sur les disponibilités en armes de guerre des rebelles, révèle que l’Irak est en tête de liste des lieux de stockage (25 000), suivi de l’Égypte (20 000), de la Libye (20 000), de la Tunisie (20 000) et du Maroc (1 800) : de ces deux derniers pays, les armes sont ensuite distribuées en Algérie - 9 000 pour l’ALN et 2 000 stockées pour le Mouvement national algérien (MNA). Des zones blanches font état de prochains arrivages connus : un seul chiffre est avancé pour le Maroc, les services français en comptabilisent 7 500. L’Allemagne occidentale est signalée comme le pays des trafics divers vers le Maroc[52].

Du côté du bloc sino-soviétique, le soutien se traduit par des expéditions de cargaisons de matériels en Égypte[53], en Libye et au Maroc par voie maritime, transportés par les cargos Bulgaria (Bulgarie), Cherkassy et Chulym (URSS).

Progressivement, depuis les négociations de Melun et après la signature avec le FLN d’un protocole de coopération économique à Prague, le 25 mars 1961, il apparaît que l’URSS détient, sinon le monopole, du moins une part très importante des approvisionnements, elle est suivie de la Chine.

Le service de l’armement algérien est articulé en deux directions : l’une à l’Ouest, au Maroc, l’autre à l’Est, à Tunis. La direction de Tunis dispose d’antennes en Libye, en Égypte et en Irak. Le matériel d’armement n’arrive pas directement sur le territoire tunisien, il transite par l’Égypte et par la Libye.

Les arrivages s’effectuent par avion et par cargo, ils sont acheminés par voie terrestre le long des côtes au Maroc, ou par le désert libyen vers la Tunisie. Les ports principaux sont Alexandrie, Benghazi, Tripoli, Tunis, Tétouan, Tanger, Casablanca et éventuellement Melilla. Les aéroports ou pistes d’atterrissage se situent au Caire, à Benghazi, à Tripoli et à Casablanca.

À l’Est, par voie terrestre, les convois suivent la côte : Alexandrie, Benghazi, Tripoli, Ben Gardane, Médenine, Gabés, Sousse, Tunis, puis s’engagent dans l’arrière-pays vers Béja, Souk El Khemis, Ghardimaou, Le Kef, Kasserine, El Hamma.

À l’Ouest, les convois s’acheminent vers la frontière algéro-marocaine, à partir de Tétouan et de Tanger à Melilla, de Melilla vers Oujda, Bou Arfa et Bou Denib ; de Tanger, de Tétouan, de Casablanca et de Rabat vers Meknès, Fès, Taza, Guercif, Taourirt et Oujda, d’une part, et d’autre part vers le Grand Sud en direction du Mali.

Le ministère de l’Armement et des Liaisons générales (MALG) implante ses structures de dépôts et de transit des armements, ses garages, ses bases, ses services techniques de transmission centraux et de transit à Ceuta, Melilla, La Marsa et Tripoli. Une seule usine du MALG est signalée dans l’arrière-pays de Rabat, au nord de Khemisset. Les principaux dépôts d’armements sont à Tripoli, à Tunis, au Kef, à Melilla et dans la région de Rabat.

Lors des entretiens menés avec les militants du dernier Comité fédéral de la Fédération du FLN de France, en septembre 2000, la question du financement et de l’approvisionnement en armes se heurte au silence feutré ou à l’argument de la clandestinité et du cloisonnement des filières.

Si la contribution de personnalités à l’établissement de faux papiers ne provoque pas de réserve, par contre en matière de fonds et d’armements, tous les protagonistes algériens et allemands restent discrets et semblent ignorer les grands bailleurs de fonds.

Selon les Algériens, la principale source de financement des activités du FLN et de ses structures proviendrait des cotisations versées par les travailleurs de l’émigration algérienne en France, tout particulièrement. De 1958 à juin 1961, les dépenses de logistique auraient atteint des montants de 678 316 deutsche Mark, 180 000 francs suisses et 50 000 francs belges. Celles assurées pour le transport des hommes et des armes 272 730 deutsche Mark, 143 700 francs suisses, 22 000 francs belges et 280 581 francs français. Ce sont les seules informations publiées à ce jour et communiquées par Ali Haroun[54] ; elles sont manifestement loin du compte établi ci-dessus dans les archives françaises.

Certes, la logistique algérienne concentre l’armement nécessaire pour accentuer la pression contre les barrages frontaliers, mais les stocks accumulés avec continuité depuis 1959 où les armes lourdes occupent une part de plus en plus importante, dépassent largement les besoins. Alors qu’à l’intérieur des maquis, en Algérie, les conditions de vie et de lutte se dégradent et que les disponibilités en armes de guerre des troupes diminuent, le potentiel militaire s’accroît de manière sensible sur les plans qualitatif et quantitatif aux frontières[55]. L’ALN étend son infrastructure et augmente ses stocks à l’Est et à l’Ouest et n’exclut pas l’ouverture d’un front saharien, du côté du Mali, sous l’égide du ministre algérien de l’Armement, Abdelhafiz Boussouf.

Cela signifie surtout que le FLN peut déjà avec les moyens réunis porter les effectifs de son armée à un niveau de 80 000 à 100 000 hommes dans la perspective d’une Algérie indépendante[56]. Suite à l’analyse des documents produits dans les années 1960, l’on comprend qu’elles sont des années tournantes : l’on est confronté dès lors, aux prémisses de l’après-indépendance et projeté dans les coulisses de ce qui va se jouer après 1963, plus particulièrement lors du coup d’État du 19 juin 1965.

L’arraisonnement des navires allemands

Selon les données des services français, le trafic d’armes par voie maritime - il est même question d’un sous-marin - dépasserait le stade artisanal. L’ingérence anglo-saxonne, dénoncée en 1956, révèle que le trafic donne lieu à une intense activité économique internationale où s’affrontent beaucoup d’intérêts politiques et mercantiles[57].

En janvier 1956, le gouverneur général de l’Algérie signale au ministère de l’Intérieur la saisie effectuée à bord du navire allemand Argensfeld de caisses d’armes et de munitions en provenance d’Anvers[58]. En mai de la même année, le bateau danois Emma dont la cargaison composée de 50 tonnes d’explosifs et de 500 000 détonateurs vendus par Les poudreries réunies de Belgique au Pakistan, débarque sa livraison sur les côtes marocaines ; laquelle est acheminée, en partie, vers l’Algérie[59].

À partir de juillet 1957, les fournisseurs du Front décident de ne plus se ravitailler que dans les ports de la mer du Nord et de la Baltique afin de ne pas traverser les secteurs surveillés par la marine française ; les navires qui effectuent les transports d’armes lourdes et légères contourneraient les îles britanniques par le Nord[60].

Dans un rapport confidentiel, Raymond Bousquet, ambassadeur de France à Bruxelles, confirme l’efficacité des interventions de la Marine nationale : l’arraisonnement en haute mer des bateaux Athos, Slovenia, Granjita, la saisie de milliers de tonnes d’armes et de munitions destinées au FLN, les explosions, le 28 septembre 1956, d’un cotre chargé d’armes dans le port de Tanger, dans la nuit du 12 au 13 mars 1959, du cargo égyptien Elkahira au port d’Ostende, ainsi que le sabotage de plusieurs navires dans le port d’Anvers[61]. Tandis qu’à Alger, à bord du cargo allemand Valencia, des batteries livrées par la Société Pertrix-Union sont saisies.

Le Bilbao est fouillé en haute mer et une partie de la cargaison confisquée. Le cargo Atlas est coulé par une mine, le 1er octobre 1958, dans le port de Hambourg, le Marmara est endommagé par une explosion, le 15 janvier 1960 ; la presse présente le fait comme une nouvelle agression de la Main rouge. Au cours des dernières semaines de 1960, une dizaine de cargos allemands, parmi lesquels le Bulgaria, Las Palmas, le Ruhr, le Morsum, l’Aleyon et le Weisse See, ont fait l’objet de contrôles sous la menace des armes et ont été déroutés sur Mers El-Kébir pour vérification de leur cargaison.

Les experts et les policiers britanniques, belges et allemands qui procèdent aux enquêtes concluent, en effet, que ce sont les mêmes systèmes et les mêmes engins destructeurs qui sont employés à chaque fois par du personnel à la formation technique poussée, par des hommes-grenouilles et par des spécialistes en la matière. Des propriétaires de compagnies de navigation sont avertis par les services de police allemands des menaces de représailles qui pèsent sur leurs bateaux et leurs livraisons partant de Hambourg vers l’Afrique du Nord, en raison de prétendues expéditions d’armes à destination du FLN.

Ces arraisonnements en haute mer par les forces navales françaises accroissent l’irritation de l’opinion allemande et notamment des milieux maritimes. Les élus du SPD et la presse, de façon systématique, dénoncent les tendances à la guerre économique qui sous-tendent l’arraisonnement de certains bateaux : la concurrence franco-allemande est mise à l’épreuve du terrain nord-africain[62].

L’ambassade de la RFA, à Paris, par ordre de son gouvernement, réagit à plusieurs reprises auprès du Quai d’Orsay et se réserve le droit de faire valoir des revendications en dommages et intérêts pour des préjudices commis à l’encontre des entreprises concernées par les perquisitions et la saisie des cargaisons[63]. De nombreuses notes de protestation sont adressées au ministère des Affaires étrangères. Le gouvernement fédéral considère ces interventions comme une grave violation du droit international et du droit de souveraineté allemand[64] qu’il estime être un facteur préjudiciable au bon cours des relations franco-allemandes. Les dirigeants allemands s’occupent alors de trouver un moyen qui éviterait aux navires d’être contrôlés en haute mer ou visités de fond en comble lors de leurs escales dans les ports algériens.

De leur côté, les services français, à Bonn, expliquent ces interventions par le fait que les autorités fédérales se révèlent incapables d’exercer un contrôle efficace sur les exportations d’armes au départ de leur territoire. Ils ont la preuve que des armes sont parvenues aux « rebelles » par l’entremise d’intermédiaires allemands.

Comme il est difficile d’établir une juridiction et un mécanisme de contrôle commun franco-allemand, on évoque l’éventualité de recourir au système de « navicerts » s’inspirant du régime de temps de guerre[65]. Des mesures sont également prises pour d’autres États. Ainsi, fin mai 1960, le Quai d’Orsay informe l’ambassade soviétique à Paris, des nouvelles dispositions portant sur l’accès aux petits ports algériens de Collo et de Djijelli pour les navires de commerce soumis au contrôle de leurs cargaisons par le service de la douane et par la police de l’air et des frontières[66].

La situation est nouvelle et elle n’est envisagée dans aucun traité de droit : avec quelle juridiction et par quelle procédure agir contre les « contrebandiers » ? Ce sont les questions que des dirigeants ainsi que des juristes français se posent et posent aux autorités de la douane : le conseil des prises n’existant pas, la France n’étant pas en guerre, les produits étant introduits par la Marine et déchargés par le service de la douane !

En avril 1960, Maurice Couve de Murville intervient auprès du ministre des Armées afin de lui signaler la gravité de la répétition de ces incidents et les grandes difficultés à faire admettre par les autres nations les mesures de contrôle et d’arraisonnement que les services français appliquent pour réprimer le trafic d’armes au profit de la « rébellion », ces pratiques étant contraires au droit de la mer en temps de paix[67]. Il réitère ses avertissements en juillet 1960 à l’occasion de l’arraisonnement du cargo Ruhr, au large de la côte algérienne, et de la capture à son bord de deux légionnaires, l’un allemand, l’autre italien.

Le ministre confirme les interventions des forces navales françaises en dehors des eaux territoriales, mais récuse le droit de légitime défense lorsqu’il s’agit de la capture en haute mer de déserteurs, surtout lorsque ceux-ci se trouvent couverts par leur pavillon national. Il attire l’attention du ministre des Armées sur les conséquences « très fâcheuses » que cet incident, s’il venait à être divulgué, pourrait avoir, et demande qu’une suite favorable soit donnée à la requête exprimée par le gouvernement allemand[68].

En décembre 1960, après un entretien mené avec Richard Voigt, ministre du Land de Hanovre, Maurice Ardiet, consul de France, attire l’attention de l’ambassadeur français à Bonn sur les répercussions négatives que les arraisonnements de navires allemands provoquent auprès de l’opinion publique allemande qui ne comprend plus la répétition de tels gestes de la part d’une nation amie, surtout lorsque « les faits se reproduisent déjà pour la dix-septième fois ». Richard Voigt, tout en comprenant les difficultés françaises dans le nord de l’Afrique, souhaite vivement voir Paris et Bonn mettre au point une procédure efficace qui évite le renouvellement d’aussi « pénibles incidents »[69].

Les mesures coercitives

Une autre catégorie de clandestins relevant du corps des services de sécurité et de contre-espionnage français, agissant en Europe contre les réseaux du FLN, surgit aux moments de crise, lorsque, dans les années 1960, la Main rouge et le 2e Bureau font la une des médias et vis-à-vis de laquelle les archives sont, elles, très discrètes. Ces actions ne sont pas assumées officiellement par l’État français. Cependant, une exploration assidue a permis de trouver quelques textes porteurs d’indices sur les activités de ces services, qui indiquent le caractère officiel et interne d’ordres donnés par une administration à ses exécutants, ainsi que des mesures coercitives recommandées par les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur.

Les services du ministère de l’Intérieur

Parfois, des noms d’attachés militaires en mission spéciale et d’agents civils, dont les fonctions restent floues, apparaissent dans des télégrammes ou des dépêches à usage interne. La publication récurrente de leurs noms, dans les médias allemands et internationaux, dans les témoignages de certains de ces agents à l’époque même des assassinats politiques, de l’arraisonnement des cargos ou de la découverte de stocks d’armes, autorise certains recoupements tout en posant question.

Le mutisme de ces archives ne correspond pas à une absence de preuves, une preuve de non-existence ou de non-appartenance, d’autant plus qu’elles concernent des « services secrets et spéciaux » dans lesquels l’engagement n’est pas le même. Il faudrait, pour les mettre en histoire, disposer des consignations faites par les institutions concernées, si jamais ces dernières les ont intégralement transcrites et conservées.

À Paris, dans les coulisses de la politique extérieure s’inscrivent des dérives dangereuses et se déroule une autre histoire de la grandeur de la France. Elle est entretenue par des dirigeants de l’État de droit français sous les IVe et Ve Républiques, à laquelle font écho, avec plus de férocité sur le terrain de la guerre, des officiers qui ne se remettent pas de la défaite de 1954 à Ðiện Biên Phủ, ni de celle qui suivit la nationalisation du canal de Suez. D’étranges missions s’organisent grâce aux bons offices diplomatiques, parfois à leur insu, sous couvert des services secrets et s’effectuent par des activistes « ultras »[70]. Au ministère des Affaires étrangères, certains fonctionnaires semblent et/ou doivent vraisemblablement ignorer les commanditaires et les auteurs des assassinats politiques commis en Europe occidentale.

Les rapports, que j’ai pu lire « en clair », suggèrent aussi que les exécutants ne semblent pas eux-mêmes bien informés des buts et des missions qui relèvent de leurs compétences. Certains ambassadeurs demandent aux services du Quai d’Orsay s’ils n’ont pas une responsabilité quelconque dans les actes de sabotage commis[71]. L’exploitation des archives diplomatiques révèle, par ailleurs, combien sont opaques les distributions du pouvoir au sein de l’État français, entre le législatif et l’exécutif et au sein même de l’exécutif entre les exécutants, elles restent très difficiles à appréhender, au-delà de l’ordre formel établi. Les services et les champs d’intervention sont parfois dédoublés officiellement et s’affrontent, quand certains n’agissent pas officieusement dans les coulisses ou par le biais des services secrets et du Renseignement. Plusieurs politiques contradictoires sont menées de front par l’Élysée et par Matignon et au sein même de ces institutions.

Tandis qu’à l’Élysée, Geoffroy de Courcel, secrétaire général de la Présidence de la République, et Bernard Trico, conseiller technique, chargé des affaires constitutionnelles et algériennes au Secrétariat général, développent l’idée d’une Algérie indépendante[72], Michel Debré a sa propre vision de la solution du problème algérien.

Nommé Premier ministre, il apparaît comme le garant du maintien d’une Algérie française renouvelée et réformée, intégrée au sein d’un grand ensemble français. Le destin de la France se jouerait en Algérie dans le contexte de la guerre froide, pour des raisons d’indépendance économique et stratégique, face aux ambiguïtés de l’OTAN et à la volonté d’expansion de l’URSS sur la rive sud de la Méditerranée[73].

Progressivement tenu à l’écart de la politique secrète de négociation en vue de l’autodétermination des Algériens, il renforce ses pouvoirs sur l’information pour combattre la « propagande des illégaux du FLN » et de ses sympathisants[74], d’une part, il centralise et développe, d’autre part, des structures et des « polices auxiliaires » spécialisées dans la recherche du renseignement en Algérie et en France, en collaboration avec les services militaires qui ont pour mission de frapper aussi hors des frontières nationales.

De nombreuses traces archivistiques, notes, lettres et rapports, confirment les recommandations de Michel Debré en la matière. Il s’implique personnellement et soutient, sans relâche, les responsables du renseignement et leurs collaborateurs chargés de détruire les réseaux indépendantistes, leurs partisans, ainsi que les filières de recueils de fonds et d’achat d’armes[75]. Ces mesures sont exigées par le Premier ministre et par l’Intérieur, parfois à l’insu des services du Quai d’Orsay. Dans des instructions pour le cabinet, des fonctionnaires se plaignent de constater que les agents du SDECE adressent au nom du gouvernement français des notes officielles aux services belges et allemands, sans passer par le canal des représentations diplomatiques[76].

Le 22 octobre 1958, la Direction générale des Affaires politiques du Quai d’Orsay, établit sous la forme d’une note un bilan pessimiste[77]. On annonce les mesures générales qui doivent être prises par le gouvernement français « contre ceux dont la collaboration a été acquise au FLN dans les pays d’accueil tels que l’Italie, la Suisse, le Japon, les États-Unis, la RFA ».

À partir de 1959, le Cabinet militaire du Premier ministre, sous la responsabilité du lieutenant-colonel Édouard Mathon, responsable des renseignements couvrant l’Algérie, et de Constantin Melnik, chargé des relations avec le général Grossin, puis le général Paul Jacquier, directeurs des services du SDECE[78], déploie, non sans difficultés, une activité intense de neutralisation en coopération avec le chef d’État-major général de la défense nationale, le général Paul Ely, puis le général Jean Olié, le ministère de l’Intérieur, la Direction générale de la Sûreté nationale et la Direction des Renseignements généraux.

Quand l’art de la persuasion diplomatique est épuisé, les avertissements adressés aux gouvernements étrangers, jugés vains, les Affaires étrangères ou d’anonymes employés de ce ministère utilisent alors l’arsenal de

rétorsions applicables dans l’ensemble de la communauté française [...] à l’égard des activités et des intérêts des personnes, sociétés, compagnies, établissements industriels, commerciaux ou bancaires ayant apporté une aide, directe ou indirecte, à la rébellion algérienne. Et afin de ralentir au plus vite le zèle des intéressés et de provoquer dans certains cas des explications et des justifications instructives pour les services de renseignement et de Police français, les fonctionnaires anonymes du MAE, auteurs de ces lignes, jugent qu’il y aurait avantage à diffuser les mesures arrêtées par le Gouvernement, l’application de celles-ci pouvant être rigide ou lâche, selon les intentions du Gouvernement ou la compréhension des personnes visées[79].

Des mesures générales qui incombent au premier chef aux Services spéciaux, tentent d’être appliquées : elles concernent le renforcement de la collaboration entre les services des ambassades, des attachés militaires et du SDECE en matière de renseignements et de délivrance de documents. Elles ont pour objectif d’exercer une « riposte sensible » à l’encontre des hommes d’affaires, des firmes et des organismes divers tels que les banques, les sociétés d’assurance, de transitaires, les compagnies maritimes et aériennes qui devront être soumises à des consultations préalables et à des autorisations délivrées par les missions diplomatiques françaises.

Elles prévoient l’interdiction de séjour en France et dans tous les territoires de la communauté, l’opposition à un emploi dans les organismes internationaux (Marché commun, Euratom) de personnes étrangères qui prêtent leur concours à l’organisation extérieure du FLN, l’inscription de sociétés sur des « listes noires », enfin le rappel aux pays de l’OTAN des obligations de l’Alliance et de leur responsabilité dans l’éventualité d’une reprise du terrorisme en France.

Des mentions manuscrites, anonymes, inscrites en marge des documents, communiquent parfois les noms des agents du SDCE qui ont à accomplir les missions de neutralisation[80]. Elles confirment ces mesures « avec des réserves sur l’efficacité en ce qui concerne les personnes et les actions internationales », car les moyens humains et financiers restent insuffisants et les couvertures souvent anachroniques[81], tandis que la collaboration du personnel diplomatique et consulaire n’est pas assez étroite.

La Main rouge

Cependant, l’organisation qui va le plus faire parler d’elle en RFA et provoquer une franche hostilité de l’opinion publique et des institutions par ses actes de violence spectaculaires, est celle clandestine de la Main rouge à qui l’on impute des attentats et des assassinats au Maghreb et en Europe[82]. Les premiers tracts d’une association intitulée « La Main rouge », sont distribués en Tunisie, en 1957[83]. Le symbole est une contrefaçon de la main de Fatma (khamssa), la couleur rouge symbolise le sang : les membres de l’organisation se fixent comme objectifs de combattre les idées nationalistes, la subversion communiste et d’exterminer les partisans d’un renoncement à l’Algérie française.

L’expression est citée, pour la première fois, par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel dans un article publié, en novembre 1958, après l’attentat perpétré contre maître Aït-Ahcène, représentant du FLN à Bonn[84]. Elle est officiellement utilisée par le procureur général à Francfort, Heinz Wolf, dans ses déclarations faites à la presse, le 16 avril 1959. Le procureur fait état de dix assassinats, dont six commis sur le territoire fédéral, depuis 1956. Il établit un lien entre ces crimes et les activités de la Main rouge, dont les agents Pedro, Jean Viary, Christian Durieux, Jean Baptiste Van Cottom - dit aussi Smolinsky - seraient au service du Deuxième Bureau[85]. Selon le magistrat, cette organisation travaillerait en liaison avec les services de contre-espionnage militaire français, ou pour leur compte.

Paris demande des informations au ministère fédéral des Affaires étrangères au sujet de ces déclarations. Les autorités fédérales, bien qu’elles tiennent pour inhabituel et peu raisonnable pour un magistrat le fait de donner des informations sur une enquête en cours, font aussi remarquer qu’elles n’ont pas les moyens juridiques d’intervenir, car le parquet de Francfort dépend du ministère de l’Intérieur de la Hesse.

Karl Carstens rappelle au conseiller de l’ambassade de France que la loi du Land de Hesse oblige à tenir le public au courant des enquêtes en cours[86]. Mais sur le fond de l’affaire, les autorités fédérales sont inquiètes et elles soulignent que les accusations portées contre les services spéciaux français sont graves, car elles peuvent être portées devant le Bundestag et nuire au développement des rapports franco-allemands[87].

Effectivement, la question écrite est posée par le groupe socialiste au Bundestag, les 8 et 22 avril 1959, au sujet de l’agression dont a été victime l’entrepreneur Georg Puchert. Selon le SPD, les attentats commis en RFA sont l’œuvre de la Main rouge, qui trouve de puissants appuis auprès des autorités françaises. La social-démocratie demande au gouvernement des éclaircissements sur le rôle des services secrets français dans l’organisation de ces attentats ainsi que sur l’existence éventuelle d’un accord franco-allemand relatif aux activités de ces services en RFA.

Après l’intervention du député social-démocrate Hans-Jürgen Wischnewski, c’est au tour de son collègue de Hambourg, Karl Kalbitzer, de poser de nouveau la question, le 19 juin, au sujet de l’attentat contre Aït-Ahcène, puis au député Menzel de demander au gouvernement fédéral s’il agissait auprès du gouvernement français pour faire cesser les violences de cette organisation[88].

En France, L’Express s’interroge à propos des véritables missions du nommé Christian Durieux. L’hebdomadaire rappelle qu’un diplomate français, du nom de Durieux, était en poste au consulat de Hambourg en 1956, et se pose la question de savoir où il est aujourd’hui. François Seydoux se voit contraint de confirmer qu’il est exact qu’un « monsieur Durieux a été consul adjoint à Hambourg, entre 1952 et 1955 », mais son prénom est Henri. Qualifiant ces informations de calomnieuses, il exige que l’on demande à l’Express de publier un rectificatif et de faire immédiatement, à l’intention de la presse française et étrangère, « la mise au point publique qui s’impose ». L’ambassadeur français craint, à juste titre, que la question posée par cet hebdomadaire ne mette en cause la représentation française en RFA et qu’elle renforce la campagne menée par les médias allemands contre la Main rouge et contre le « nid d’espions » français de Hambourg qui causerait de sérieux dommages dans l’opinion allemande[89].

La presse européenne présente ces agents comme des officiers dont la plupart d’entre eux ont participé soit à la guerre d’Indochine, soit à celle d’Algérie. Elle condamne de façon générale les violations du droit international par la France[90] et se demande si l’organisation ne se trouve pas à l’ambassade de France.

Les journaux allemands font allusion, à plusieurs reprises, aux contacts établis entre les services de police français et allemands, au ministère fédéral de l’Intérieur, citant les noms des agents spéciaux qui y participent. En 1959, ils révèlent les discussions secrètes franco-allemandes du 18 novembre 1958[91]. Der Spiegel publie, en 1960, un article de douze pages sur les activités des services de contre-espionnage français. Le colonel Marcel Mercier, alias Jean Rousseau, alias Jean Walleck, ancien attaché commercial à l’ambassade de France à Berne, de 1952 à 1956, envoyé en mission auprès du commandement militaire français à Berlin-Ouest de 1957 à 1958, puis en mission singulière dans toute la RFA, de Munich à Hambourg, de 1959 à 1960, est présenté comme le chef des équipes responsables des attentats.

La DST est de nouveau mise en cause ainsi que son refus de coopérer avec Interpol : l’ambassade de France à Bonn signale au Quai d’Orsay que des fuites se sont vraisemblablement produites au ministère fédéral de l’Intérieur[92] et en avertit les services spéciaux[93]. En effet, la presse européenne est assez bien informée, et les documents étudiés aujourd’hui confirment qu’à l’époque les journalistes étaient en possession d’informations précises. Ces mêmes informations « presque mot à mot » se retrouvent dans les notes et les rapports confidentiels du Cabinet du Premier ministre, des services de la DST et du SDECE qui, par ailleurs, est le seul service officiellement habilité à fournir les renseignements susceptibles d’être portés sans inconvénient à la connaissance du gouvernement de la RFA[94].

Deux jours avant l’attentat perpétré contre maître Aït-Ahcène, l’ambassade à Bonn est informée que le directeur de la Sûreté nationale désire s’y rendre afin de s’entretenir avec ses homologues allemands des problèmes concernant l’activité du FLN en RFA. Le Quai d’Orsay qui fait part de cette requête insiste pour qu’une date soit fixée dans un délai rapproché[95]. L’information est fragmentée, mais on peut légitimement se poser des questions sur la venue de ce responsable de la Sûreté française, en RFA, à la veille d’un attentat organisé contre une personnalité politique importante d’une représentation du FLN en voie de devenir la représentation du futur gouvernement provisoire algérien.

Les informations concernant l’attentat sont reproduites en première page dans toute la presse allemande. Le porte-parole de la Ligue arabe déclare que les responsables de l’attentat doivent être recherchés dans les milieux hostiles aux relations germano-arabes, tandis que le quotidien à grand tirage, Bild, souligne qu’il s’agit d’un nouvel épisode de la lutte qui oppose les organisations algériennes et les services secrets.

De leur côté, les hebdomadaires Der Spiegel et Stern, ainsi que le quotidien Tagesanzeiger de Zurich, poursuivent leurs investigations ; ils affirment que, faute d’obtenir des résultats positifs de la part des services allemands, le gouvernement français aurait décidé de passer à l’« action directe ». Ils accusent le colonel Mercier, « cet officier des renseignements qui déploie ses activités dans les coulisses de la haute politique », à qui l’« affaire Dubois-Ulrich a valu en Suisse une réputation douteuse », de l’avoir préparé, d’autant plus que ce dernier a été vu à Bonn dans la semaine qui a précédé l’agression[96].

Une déclaration de la Délégation extérieure du FLN, signée par le représentant du FLN à Bonn, Abdelhafiz Keramane, dit Malek, dénonce l’action criminelle des agents secrets français qui aurait le triple avantage de discréditer diplomatiquement le FLN, de conforter la thèse de « supposées rivalités intestines » entre Algériens susceptibles de troubler l’ordre public et de les rendre indésirables : ce qui provoquerait leur expulsion d’Europe et plus spécialement de la RFA, « coupable d’accueillir les réfugiés algériens ». L’attentat permettrait de rendre les pays limitrophes inaccessibles à l’émigration algérienne en France et par là d’en « diminuer la combativité »[97].

L’intervention des médias et le développement de l’affaire Ameziane Aït-Ahcène embarrassent François Seydoux qui recommande au ministère des Affaires étrangères d’attirer l’attention du SDECE sur la désapprobation que suscite la présence en Allemagne du colonel Mercier[98]. Les documents diplomatiques attestent des interventions du Quai d’Orsay en Europe pour éloigner certains agents devenus gênants[99]. Après les révélations faites par l’agent Christian Durieux au Daily Mail, sur l’origine des crimes de la Main rouge, considérés comme « pure fantaisie » par François Seydoux[100], c’est au tour du capitaine Serrano, « officier de gendarmerie irresponsable », de relancer l’affaire par des explications ambiguës sur les colis explosifs. L’entretien qu’il accorde à la presse belge lui vaut d’être déplacé de Belgique, sur la demande de la Sûreté belge, afin de ne pas compliquer « la tâche délicate de ceux qui sont officiellement chargés d’assurer la liaison avec les services belges et d’aider à la recherche des auteurs d’attentats »[101].

En mars 1960, suite aux accusations lancées par le Spiegel qui présente l’« organisation contre-terroriste française » comme une émanation des services officiels français, mettant en cause les fonctionnaires de l’ambassade à Bonn, Hirn et Morizet, François Seydoux recommande de ne pas engager avec l’hebdomadaire une polémique sur un sujet de ce genre, mais il préconise que certaines mesures de nature à gêner l’activité de l’hebdomadaire soient prises et que lui soit refusée toute facilité permettant à ses correspondants de suivre le voyage de Khrouchtchev en France[102].

Depuis la fin 1959, le procureur fédéral se saisit de toutes les affaires : cela signifie que toutes celles, instruites jusqu’ici par les parquets régionaux, sont considérées comme mettant en cause la sûreté de l’État. Des mesures sont prises pour surveiller les lieux de réunion des organisations secrètes algériennes et françaises ainsi que les ambassades qui couvrent de l’immunité diplomatique les activités illégales.

Van Scherpenberg, s’adressant au Bundestag, n’écarte pas l’accusation faite aux services français de ne pas vouloir coopérer avec Interpol[103]. Dans le compte rendu officiel de la séance du Bundestag, le secrétaire d’État à l’Intérieur rejette toute allusion aux services secrets français et affirme n’être pas en mesure de répondre à toutes les questions, mais en mars 1960, Heinz Wolf déclare que ces crimes sont vraisemblablement l’œuvre d’une « association secrète » dont l’action dépasse les limites de la Hesse - Land du centre-ouest de la RFA - et se dessaisit de l’instruction au profit du procureur général fédéral de Karlsruhe.

Il va sans dire que le gouvernement français persiste à désavouer officiellement et énergiquement les activités attribuées à ses services et à « une prétendue organisation dénommée Main rouge » dont l’existence est inconnue d’Interpol[104].

Les documents officiels sont laconiques. Ils rapportent surtout les réactions d’hostilité que provoquent les actions de l’organisation clandestine et les soupçons toujours plus manifestes suscités par les services de l’Intérieur et de la Défense.

Les débats survenus à l’ONU sur la question algérienne, les activités diplomatiques du GPRA, les renforcements de l’infrastructure extérieure du FLN-ALN et l’accroissement des achats de matériels militaires provoquent la mise en place d’un train de mesures de coercition qui devaient porter aux actions internationales du FLN des coups très sensibles.

En dépit des réactions d’indignation de l’opinion allemande devant les attentats exécutés avec une compétence toute professionnelle, et qui nourrissent un sentiment d’hostilité croissant à l’égard de la France, Paris, mécontent devant l’incompréhension de son voisin allemand et de ses alliés, entretient jusqu’à la veille de la signature des Accords d’Évian, un train démesuré de mesures répressives.

À partir de 1960, il apparaît que ces mesures sont prises par les services français à la fois contre le FLN et contre « les extrémistes français opposés à la politique d’autodétermination ». Fin 1961, les rapports diplomatiques signalent la présence et l’action de membres de l’OAS qui agissent en collaboration avec des groupuscules néo-nazis. D’Oran et d’Alger à Madrid, de Madrid à Bonn et à Paris, ces nouveaux réseaux remplacent progressivement ceux du FLN.

Une politique extérieure parallèle et complémentaire ?

L’engagement du SPD en faveur du droit à l’autodétermination des Algériens

Plus préoccupantes pour les autorités françaises sont l’attitude et l’action publique des Jeunes socialistes et des syndicats, relayées dans la société par les églises, les associations caritatives et des mouvements d’étudiant(e)s encouragés par les médias. Les actions se poursuivent et s’amplifient jusqu’à la signature des Accords d’Évian, non sans contradictions et violents débats au sein même de ces institutions et de ces mouvances[105]. Elles provoquent un train intensif et ininterrompu d’interventions diplomatiques françaises.

Mais ces interventions n’incitent pas les Affaires étrangères fédérales à arrêter une attitude conforme au souhait français, ni à prendre les mesures conséquentes, car du côté allemand, on s’efforce de trouver une solution qui puisse être tenue également pour satisfaisante par les Algériens, avec lesquels et par ailleurs, d’autres fonctionnaires français établissent déjà des contacts secrets en vue de faire « la paix des braves ».

Quelques années plus tard, Paul Frank commente en ces termes le soutien allemand :

Les Français espéraient que les Allemands les appuieraient, qu’ils se déclareraient solidaires avec Paris. Ils laissaient entendre qu’ils participaient à la défense de Berlin contre les Russes et qu’il était donc légitime que les Allemands leur rendent la pareille et les aident à défendre l’Algérie contre les Algériens. Ce genre de comparaison n’est pas très heureux et ne tient pas debout ! Tant que l’ordre public n’était pas troublé et que les droits de l’homme n’étaient pas violés, nous n’avions aucune raison de nous montrer plus royalistes que le roi ![106]

Au niveau régional des Länder, les traces principales des activités du FLN en RFA sont consignées dans les Mémoires de Hans-Jürgen Wischnewski[107]. Le jeune député social-démocrate témoigne de l’existence réelle et du fonctionnement intensif d’un réseau d’accueil et de soutien des militants de la Fédération du FLN de France et du GPRA, ainsi que du transfert des légionnaires, déserteurs de l’armée française, de l’Algérie vers la RFA.

Son témoignage révèle quelques aspects ignorés de l’histoire du FLN, de ses rapports avec la social-démocratie et les institutions fédérales. Le jeune député joue un rôle essentiel dans l’installation du Bureau de la représentation du FLN à Bonn-Bad-Godesberg.

La RFA devient progressivement terre de transit, de refuge et d’accueil, elle constitue une base arrière pour la résistance algérienne : trotskistes, pacifiques, objecteurs de conscience, communistes exclus du parti, juifs, matérialistes, chrétiens, sociaux-démocrates, syndicalistes, anciens légionnaires, femmes au foyer, étudiant(e)s, universitaires, journalistes, personnalités diverses, interviennent dans l’anonymat et dans la clandestinité[108] :

Chacun avait décidé d’agir, d’apporter une contribution à la décolonisation et d’en assumer les risques. Nous avons fait ce qu’il fallait. Les Algériens avaient le droit de gérer eux-mêmes leurs affaires.[109]

Les principales sources d’information relatives à ces activités proviennent du SDECE et du Gouvernement militaire à Berlin[110]. Une lettre de l’ambassade de France à Bonn, datée du 8 mars 1956, signale les premières délivrances irrégulières de passeports pour étrangers (Fremdenpässe) et de visas d’entrée en Allemagne par le consulat général allemand de Tanger à des « apatrides », tandis qu’une note du ministre de la Défense nationale adressée au ministre de l’Intérieur, en date du 7 mai 1956, fait état des premières activités de Nord-Africains en RFA[111].

Fin septembre 1957, deux dirigeants du FLN, Ahmed Francis, expulsé de Belgique, et Abderahmane Kiouane effectuent un séjour à Bonn. Ils prennent contact avec des responsables de la Ligue arabe, avec les ambassades d’Irak et du Maroc et tentent de se faire recevoir par l’Auswärtiges Amt. Cette tentative échoue, mais ils peuvent déjà organiser une conférence de presse à l’hôtel Koenigshof à Bonn, en présence d’une vingtaine de journalistes, et présenter la question algérienne. De Chalvron, conseiller à Berlin, confirme la présence régulière d’un représentant du FLN, Abderahmane Kiouane, employé à l’ambassade d’Égypte à Bonn[112].

Le Front bénéficie de l’évolution récente de l’opinion des milieux socialistes allemands sur la question algérienne dans un sens de plus en plus défavorable au gouvernement français. L’opposition sociale-démocrate à la politique française en Algérie occupe la seconde place après la lutte contre l’armement atomique.

Des critiques sont adressées au gouvernement fédéral, accusé de contribuer, par son aide à la France, au financement de la guerre en Algérie, en échange d’« une participation à la défense militaire »[113]. Le 28 mars 1958, à Hambourg, Heinemann, député socialiste au Bundestag, évoque ces deux points lors d’un rassemblement qui réunit 10 000 personnes et déclare :

Le centre de gravité du monde n’est plus en Europe mais en Asie et en Afrique. Les luttes de la France en Algérie constituent une dernière manifestation de l’ordre féodal colonial qui ne profite, en fin de compte, qu’à la Russie soviétique.

Au cours de leur congrès du 30 mars 1958, les 341 délégués du SPD du Land de Hambourg, sous la responsabilité du député Peter Blachstein, votent une résolution contre la guerre d’Algérie. Les délégués s’interrogent également sur la compatibilité des principes de l’Internationale socialiste avec la politique de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), ils exigent la fin de la guerre et la possibilité de libre disposition pour l’Algérie[114].

Ce texte est transmis au congrès fédéral qui se tient du 18 au 23 mai de la même année à Stuttgart. Erich Ollenhauer, président du parti et du groupe parlementaire, y consacre une partie très applaudie de son discours à l’ouverture. Il reconnaît la complexité du problème et adresse un appel aux « amis français » en vue d’une solution sur la base du droit à l’autodétermination des peuples. Le comité directeur rédige une résolution très critique, reprenant les thèses fondamentales de celle de Hambourg et condamnant sévèrement les actions terroristes commises par les autorités militaires françaises. La résolution est votée à la quasi-unanimité par 191 voix contre 160 après suppression, au paragraphe trois, de la phrase placée entre parenthèses condamnant les violences exercées par les indépendantistes. Un autre amendement, demandant aux socialistes français d’abandonner la thèse d’après laquelle l’Algérie fait partie intégrante de la France, n’a pas été retenu[115]. Les membres de la Fédération de France assistent aux débats du congrès, mais ils n’interviennent pas.

En avril 1958, des contacts sont établis avec la Fédération des syndicats allemands, Deutscher Gewerkschaftsbund (DBG), par l’entremise de Pablo Raptis, membre du Secrétariat de la IVe Internationale, et de militants trotskistes.

Des militants du FLN installent la Commission d’information et de presse (CIP). Ces derniers[116] quittent la France avec des passeports de l’ambassade de Tunisie à Paris, via la Belgique où des militants socialistes belges assurent l’hébergement et le transit vers la RFA. À Nippes, en Allemagne, Georg Jungclas, responsable allemand de la section de la IVe Internationale, les accueille et les met en contact avec Hans-Jürgen Wischnewski.

À Cologne, en juillet 1958, dans une auberge des Jeunesses socialistes allemandes, Die Falken, le nouveau comité de la Fédération du FLN de France se réunit une semaine durant avec l’ensemble des chefs de wilaya et décide de la poursuite des actions en France. Ce comité directeur, élargi aux sections universitaires algériennes de France se réunit de nouveau en août 1958[117].

Les militants du SPD tranchent en faveur du FLN et ne reconnaissent pas les actions du MNA, installé à Cologne, car l’organisation serait soutenue et infiltrée par les services français, d’une part, ses affrontements avec le Front compliquent l’engagement des réseaux allemands qui appréhendent les actes de violence meurtrière, d’autre part.

Dans l’urgence et les difficultés de la guerre, Wischnewski affirme que les Allemands ont dû rapidement opter en faveur de ceux qui avaient déclenché le processus insurrectionnel et qui menaient le combat[118]. Mais il est aussi très soucieux d’éviter que le GPRA ne reconnaisse la RDA, et ne cesse de conseiller, en la matière, les autorités du ministère fédéral des Affaires étrangères[119].

Le programme d’action du FLN est diffusé par El Moudjahid, l’organe du FLN, édité clandestinement, et les thèses indépendantistes sont vulgarisées par le biais du bulletin Freies Algerien et distribuées dans les milieux universitaires et journalistiques[120] : un « Cercle de travail des amis de l’Algérie » (Arbeitskreis der Freunde Algeriens) qui regroupe des membres du DGB, du SPD, le pasteur Marten et des fonctionnaires du FDP, publie à Cologne le « mémorandum du Gouvernement provisoire de la République algérienne » en langue allemande, à 4 000 exemplaires, dont l’ambassade française et l’Auswärtiges Amt sont destinataires[121]. D’autres comités se créent à Nuremberg, Regensburg et Sarrebruck. Les collectes des cotisations, le recrutement des militants et la logistique sont assurés et encadrés par des groupes d’action de choc de l’Organisation spéciale (OS). La majorité des Algériens résident dans la Ruhr et en Sarre. Des responsables politiques, Ameziane Aït-Ahcène, Abdelhafiz Kéramane (Malek) et Naït Belkacem Mouloud sont installés à Bonn où la représentation du FLN bénéficie de la couverture de la mission diplomatique tunisienne. Celle-ci se renforce à Hambourg, à Cologne, à Düsseldorf où elle est dirigée par Mana Smail et Omar Haraigue à Stuttgart.

À Cologne et à Düsseldorf, des délégations permanentes de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) sont dirigées par Ahmed Mostefaoui et Alloua Sadki. Début 1959, Mehdi Mabed s’installe à Bonn, au service du ministère de l’Armement du GPRA et s’occupe de l’approvisionnement en armes.[122]

Côté allemand, le terrain de l’action se situe sous l’aile gauche du SPD et du syndicat IG Metall (syndicat ouvrier de la métallurgie allemande) qui, lors de son sixième congrès du 17 au 22 octobre 1960, à Berlin, accorde une place importante au problème algérien et offre sa tribune au syndicaliste algérien de l’UGTA, Abderahmane Bouzar, lequel compare « la lutte pour l’indépendance de l’Algérie à celle menée par les Allemands pour la réunification » ; son discours est très applaudi.

Les délégués du syndicat des métaux confirment leur soutien au gouvernement algérien pour l’autodétermination politique, ils protestent contre les expériences atomiques françaises au Sahara et celles projetées en Corse, ils condamnent le recrutement de jeunes Allemands au sein de la Légion étrangère comme étant une violation des droits de l’homme, ils demandent que le Bundestag introduise dans la loi sur le service militaire une disposition qui interdise la prise en compte du service dans la Légion[123]. La résolution adoptée à l’unanimité, résume et explicite les grands axes et les orientations générales du mouvement de l’action de solidarité, toutes tendances confondues, qui s’organise en faveur de la cause algérienne. Elle aggrave le contentieux franco-allemand.

Les pères fondateurs sont tous fichés et étroitement surveillés : Peter Blachstein, Willi Eichler, Jockel Fuchs, Helmut Kalbitzer, Werner Plum, Herbert Wehner, Hans-Jürgen Wischnewski, inspirateurs et animateurs de plusieurs secteurs d’intervention en faveur des militants du Front, se réfèrent au programme de l’Internationale socialiste et au droit des peuples - y compris celui du peuple allemand - à l’autodétermination, tel qu’il est défini dans le programme du SPD[124].

À l’exception de la région de Hambourg, confiée au député Peter Blachstein, c’est Hans-Jürgen Wischnewski, qui se charge de coordonner l’activité des Algériens sur l’ensemble du territoire fédéral. Considéré dans les milieux du SPD comme « un élément dur », classé dans l’aile gauche du parti[125], il se consacre à l’aide au bureau du FLN, au détriment de ses activités syndicales. Cheville ouvrière du mouvement, il explicite ainsi sa prise de conscience de la question :

Les Algériens sont venus me trouver. Ils voulaient obtenir l’indépendance. Les relations franco-allemandes étaient d’une importance capitale pour nous tous. J’ai répondu qu’on ne pouvait pas décemment défendre l’autodétermination de son propre peuple si l’on n’admettait pas les mêmes aspirations chez d’autres peuples. J’ai donc accepté, à mon humble niveau, d’apporter un soutien politique à la solution de ce problème. Après la Seconde Guerre mondiale les contacts n’étaient pas faciles face à la profonde méfiance de nos voisins européens, après tout ce qui s’était passé, je pouvais bien comprendre cela, mais je voulais sortir les jeunes de notre pays de l’isolement international.[126]

Le droit à la souveraineté étant une partie incontournable du droit des peuples et de la coopération internationale, la guerre en Algérie étant une guerre colonialiste, « plus cruelle qu’aucune autre », il estime que

c’est à tort que la France considère le problème algérien comme une question intérieure car il intéresse également l’Allemagne fédérale en raison des multiples accords qui la lient à la France et aussi de la présence dans la Légion étrangère de 70 % d’Allemands[127]. La guerre en Algérie n’est pas seulement « une charge terrible pour la France et l’Algérie ; elle est une charge difficile pour le monde occidental dans son ensemble ».[128]

Ces idées et ces prises de position sont régulièrement développées par d’autres militants du SPD, plus particulièrement par Willi Eichler et Werner Plum, dans la revue mensuelle Geist und Tat, dans le bulletin d’information du SPD, Vorwärts, et dans Nouvelles d’Allemagne par le service de presse du parti. Elles font l’objet de nombreuses « conférences-tremplins » qui permettent aux dirigeants du FLN et du GPRA d’y prendre la parole ; Die Neue Gesellschaft für politische Bildung, association privée dont le siège est à Hambourg, et qui est présidée par le député Helmut Kalbitzer, en est le moteur.

La première tâche de Hans-Jürgen Wischnewski va consister à procurer et à garantir aux Algériens autant d’espace et de marge de manœuvre qu’il est possible d’obtenir en faveur de leurs activités[129]. Ces missions sont également soutenues par les États membres de la Ligue arabe installée à Bonn, et plus particulièrement par des personnalités diplomatiques tunisiennes et marocaines. Le réseau de soutien s’amplifie.

Le groupe trotskiste de Lenni et Georg Jungclas structure un réseau d’information à travers toute l’Allemagne, à Berlin-Ouest, à Stockholm et à Copenhague.

À Stuttgart, les syndicats locaux, sous la responsabilité des syndicalistes Louis Pils, président de la Fédération syndicale, Fritz Henker, membre du Bureau du DB, et Karl Schwab, créent les premiers comités d’alphabétisation, de formation et de qualification d’ouvriers algériens. En 1959, Willy Richter, président de la Confédération, recommande à l’ensemble des syndicats de faciliter et d’assurer l’accueil et le soutien aux réfugiés[130]. Des stages syndicaux sont offerts à des Algériens, ces sessions d’études sont placées sous le haut patronage de la Fondation Friedrich-Ebert, organisme subventionné en partie par l’État fédéral.

Sous l’influence et les pressions des syndicats, les demandes d’extradition d’Algériens vers la France sont rejetées. Dans le Bade-Wurtemberg, zone frontalière et d’occupation française, le procureur Richard Schmid, refuse de donner suite à ces extraditions et intervient en ce sens à l’échelon fédéral, il est soutenu par des fonctionnaires des Affaires étrangères fédérales.

Des appels à la désertion sont distribués dans les casernes, à Tübingen, Reutlingen, Fribourg, Constance[131]. Des étudiants s’associent au travail mené par Jeune résistance, et de jeunes réfractaires à la guerre ouvrent leurs maisons et hébergent des déserteurs français[132]. Ces activités peuvent se déployer et se maintenir avec la contribution active de Buchstaller, secrétaire général des Jeunesses socialistes (Jusos), Die Falken, des catholiques de l’association Caritas, des membres de l’église protestante, Evangelische Hilfswerke, des personnalités du clergé et diverses organisations à caractère humanitaire (Arbeiterwohlfahrt, Naturfreunde) qui agissent aussi en faveur des orphelins de guerre.

Au congrès de Marbourg, la Fédération des étudiants allemands proclame son soutien aux étudiants de l’Union générale des Étudiants musulmans algériens. Ils déclarent que si

les Français s’opposent à toute ingérence dans leurs affaires intérieures et poussent des hurlements de rage chaque fois qu’un étudiant algérien reçoit un billet de 10 deutsche Mark, il conviendrait qu’ils demeurent logiques et veillent à ce que leurs plus hautes autorités n’œuvrent pas contre les intérêts légitimes de l’Allemagne, d’autant plus que le général de Gaulle vient de se prononcer pour une reconnaissance de la ligne Oder-Neisse.[133]

D’après l’organisation des étudiants allemands (VDS), on compte 200 à 250 étudiants algériens inscrits dans des universités ou des écoles techniques, certains suivent, à titre d’auditeurs libres, des cours de culture germanique. Ce nombre ne comprend pas les étudiants inscrits sous le couvert d’un passeport tunisien ou égyptien.

Officiellement, c’est le VDS qui se charge de leur installation, mais c’est le député Wischnewski qui s’occupe de l’accueil, à Bonn, des étudiants algériens qui quittent la RDA ; il intervient avec succès auprès du gouvernement afin que ces étudiants obtiennent des bourses et puissent poursuivre leurs études dans des institutions fédérales, car ce dernier se préoccupe de la concurrence des autorités est-allemandes. Mais, dans la plupart des cas, les bourses sont octroyées par des donateurs privés et par des industriels.

À Cologne, Wischnewski loue en sa qualité de député et ouvre, couvert par son immunité parlementaire, un bureau d’aide aux réfugiés algériens fuyant la France dont le loyer est payé par la Confédération allemande des syndicats. C’est dans les locaux du SPD de la même ville que se tient la première rencontre de l’ambassadeur du GPRA et des représentants du FLN en Europe, - parmi eux se trouve Mohammed Ben Yahia, futur négociateur d’Évian et futur ministre.

Son compte bancaire sert de dépôt de fonds. Il retire en personne, sous la protection des agents de sécurité du FLN, une somme de 1,8 million de deutsche Mark, transférée de Paris à destination du Front. Il me précisera que les intérêts de « cette somme faramineuse pour un compte de député » ont servi à couvrir les frais de la publication du bulletin Freies Algerien en RFA[134].

Il se rend souvent à Tunis où il veille au rapatriement des légionnaires déserteurs, mais où il entretient également des contacts réguliers avec les représentants du Gouvernement provisoire. Il organise des déplacements de députés des deux côtés du front, jusqu’à la frontière algéro-tunisienne et en territoire algérien et rédige des rapports sur la situation de l’ALN et sur ses activités à l’attention des médias et de l’opinion publique européenne. Le jeune parlementaire est à l’origine de la campagne organisée en RFA et au Maghreb contre le recrutement de jeunes mineurs allemands au sein de la Légion étrangère[135]. Il accuse le gouvernement fédéral de laisser-faire et le menace, au sein de son groupe parlementaire, d’un procès pour atteinte à la Loi fondamentale.

À partir de septembre 1959, il œuvre en faveur de la légitimité des ministres du nouveau gouvernement algérien qu’il soutient en tant que potentiels partenaires de négociations minimales, mais indispensables, d’autant plus que la reconnaissance du GPRA par seize États accroît son audience internationale[136]. Au cours de notre entretien, il déclare pouvoir affirmer, aujourd’hui, qu’il avait naturellement des contacts réguliers avec le gouvernement fédéral et reconnaît l’existence d’une aide « officiellement officieuse », contrainte à la discrétion face au mécontentement et aux récriminations des autorités françaises. Il me rapporte, non sans malice, la réponse de Konrad Adenauer aux observations de François Seydoux :

Monsieur l’Ambassadeur, je ne peux approuver cela naturellement, mais vous vous trompez totalement en vous adressant à moi, vous devriez vous rendre auprès de monsieur Ollenhauer, monsieur Hans-Jürgen Wischnewski est un député social-démocrate !

Il confirme qu’une de ses missions officielles était de représenter les intérêts algériens auprès du gouvernement de la RFA et qu’il se portait garant de la légalité de leurs actions conformément au texte constitutionnel de la Loi fondamentale. Il associe donc à son engagement des personnalités différentes du monde politique, syndical et journalistique. Sa première courroie de transmission reste son interlocuteur officiel, le conseiller aux Affaires françaises et secrétaire d’État, Paul Frank. Ce dernier trouve en la personne du jeune social-démocrate une aide précieuse : « celle qui allait nous permettre de préserver dans l’avenir les futures relations avec l’Algérie »[137], et il établit, d’une part, une liaison officieuse d’information et d’intervention entre les instances fédérales, la Chancellerie, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice et Wischnewski, et couvre, d’autre part, les relations du député SPD avec les représentants du FLN que Paul Frank rencontre aussi régulièrement, et parfois même en son domicile privé où d’autres hauts fonctionnaires allemands ont l’occasion de faire connaissance avec les indépendantistes[138].

Des personnalités interviennent à des moments sensibles : il s’agit du secrétaire d’État, Albert Hilger van Scherpenberg, du directeur et secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères, Karl Carstens, du ministre des Affaires étrangères, Heinrich von Brentano ; ce dernier, directement sollicité, intervient dans l’affaire de la fausse monnaie[139]. Il permet le retour à Bonn de Mouloud Kacem, en déplacement au Danemark, à qui l’on tente de refuser l’entrée en RFA et par ses interventions fait mettre des fonds à la disposition de groupes de jeunes Allemands se rendant en Tunisie où ils peuvent se familiariser avec les problèmes algériens[140].

Après plusieurs années d’activités en RFA et durant les négociations d’Évian, l’incarcération « subite et incompréhensible » des trois représentants du bureau du FLN, « accusés d’extorquer des impôts à leurs compatriotes » pour financer le Front, provoque l’irritation de fonctionnaires fédéraux et celle du SPD. Wischnewski interprète l’acte comme l’expression d’une volonté de porter atteinte aux intérêts de la RFA ; il n’exclut pas que des pressions sont exercées sur les instances judiciaires fédérales par des fonctionnaires français qui craignent qu’une Algérie indépendante n’entretienne de trop bonnes relations avec la RFA.

Les avocats de Mouloud Kacem et de Hafiz Kéramane sont Gustav Heinemann, ancien ministre de l’Intérieur, et Dieter Posser, membre du gouvernement régional de la Wesphalie-Rhénanie du Nord. Ils obtiennent la libération des détenus algériens. Ces derniers sont officiellement accompagnés dans des Mercedes, sous matricule diplomatique des ambassades de la Tunisie et du Maroc, à Vienne en Autriche auprès du GPRA.

Wischnewski veille à ce que la mission se déroule sans difficultés et se rend ensuite à Genève où il est chargé d’expliquer à la délégation du GPRA les détails de l’« affaire de Bonn » afin de limiter les conséquences éventuelles de cette « méchante panne » (böse Panne)[141]. De retour à Bonn, il ne répond pas aux injonctions de l’ambassade de France de démentir ses propos ; au contraire, il fait une déclaration de presse officielle rapportant que

les entretiens menés avec Krim Belkacem furent extraordinairement amicaux et que les Algériens souhaitent entretenir de bonnes relations avec la RFA.

L’appartenance politique n’a pas influé lors de cette affaire : membres de la CDU et du SPD agissent de concert et d’un commun accord dans l’intérêt de l’État allemand. Ils cultivent des réseaux de relations particulières, volet officieux mais élémentaire de la politique extérieure, que le député social-démocrate entretient de façon avisée et conséquente.

En avril 1961, Fritz Erler, spécialiste en matière de politique internationale et de défense au sein du Comité directeur du SPD, s’entretenant avec François Seydoux, exprime sa satisfaction suite aux interventions du général de Gaulle en faveur de la paix :

Toute équivoque étant désormais levée, il ne restait plus aux milieux de gauche qu’à soutenir une politique courageuse dont ils auraient dû prendre eux-mêmes l’initiative.[142]

Le ton général s’améliore, l’ambassadeur français note avec contentement que, dans les milieux sociaux-démocrates eux-mêmes, « on trouve des hommes qui nous comprennent et nous approuvent »[143].

En effet, l’essentiel de l’action des dirigeants sociaux-démocrates évolue parallèlement à la situation franco-algérienne. L’effort s’oriente et se situe dès lors au niveau des hauts dirigeants du FLN, de l’ALN et du GPRA : on prépare déjà l’après-guerre, tandis que la politique de soutien aux réfugiés est désormais assurée par l’Arbeiterwohlfahrt, association indépendante mais patronnée par le parti social-démocrate. Les activités sont plus discrètes ; cette discrétion facilite ainsi la position du ministère des Affaires fédérales face au gouvernement français.

Le 12 mars 1962, Wischnewski est reçu à Tunis par Youssef Benkhedda qui lui affirme que l’« Algérie indépendante souhaite établir le plus vite possible de bonnes relations politiques et économiques avec la République fédérale et qu’elle était tout à fait décidée à une coopération positive avec elle ». À Cologne, il rend compte de son voyage aux Jeunesses socialistes et en appelle au gouvernement fédéral afin qu’il apporte « une aide rapide et énergique » à l’Algérie, un tel geste aurait une signification décisive pour l’avenir des relations germano-algériennes.

Il fait état de l’incompréhension des Algériens à l’égard de l’attitude allemande à leur sujet, mais aussi de leur reconnaissance à la République fédérale pour avoir accueilli 4 000 réfugiés algériens sur son territoire, d’autant plus que cette aide avait rendu plus difficiles ses relations avec la France. En cette occasion, Wischnewski ne cache pas son intention d’assumer un rôle déterminant dans les relations entre le futur État algérien et la RFA, relançant ainsi le souci des autorités françaises qui affirment qu’il serait malheureusement certain, dans ce cas, qu’ils n’auraient pas un ami dans l’envoyé extraordinaire de la RFA en Algérie[144].

Le 18 mars 1962, les Allemands apprennent avec soulagement la fin de la guerre et la signature de l’accord de cessez-le-feu. Ils sont présents, le 3 juillet 1962, aux cérémonies de l’indépendance à Alger, Wischnewski est en tête de la délégation. Il y effectue, en septembre, un second voyage d’une durée de quinze jours.

À son retour, il peut confirmer aux autorités fédérales que le nouveau gouvernement algérien ne reconnaîtra pas la RDA et que le capital de confiance acquis durant la guerre d’indépendance ne demande qu’à être maintenant développé au plan des échanges culturels et économiques[145]. Cette proposition est renouvelée, en novembre 1963, à Alger, suite à la rencontre entre Ahmed Ben Bella et Wischnewski, envoyé spécial du gouvernement fédéral[146]. Elle suscite la grande satisfaction du ministère des Affaires étrangères qui, depuis 1961, et après la session plénière parlementaire des 8 mars et 5 mai 1961[147], portant sur l’aide au développement, tente, en la matière, d’aplanir les malentendus avec le SPD et charge le député social-démocrate de sensibiliser les dirigeants algériens et arabes à la question allemande[148].

Considéré comme l’infatigable représentant et le défenseur des intérêts allemands dans le monde arabe et en Afrique, spécialisé dans la résolution des difficultés, Wischnewski, Der Mann der heiklen Fälle, « L’homme aux cas scabreux », s’éteint à Cologne, le 24 février 2005. Alors qu’il sortait d’un coma de dix jours, quelques heures avant sa mort, apparemment en bonne forme, il a demandé des nouvelles du Congrès du parti algérien[149] !

Conclusion

C’est dans un contexte mondial pétrifié par les rapports de force militaires et idéologiques qui opposent l’Est à l’Ouest, bouleversé par les guerres de libération nationale et par l’apparition du bloc des pays non-alignés, soutenus par la Chine, nouveau protagoniste de la scène internationale, que tente de se créer, à l’initiative du général de Gaulle et des partisans d’une Europe souveraine, une troisième voie européenne, disposant de la force nucléaire de dissuasion indépendante des deux blocs[150], et dont le moteur serait une étroite coopération franco-allemande.

En France, la crise politique de Suez, le refus d’une dépendance des États-Unis et la poursuite de la guerre en Algérie consacrent le choix de Paris en matière de stratégie nucléaire. Le 13 février 1960, les Forces armées font exploser la première bombe atomique française. Elle est une composante incontournable des politiques de défense et de sécurité face au risque de guerre totale entre les deux grandes puissances.

Par ailleurs, la pénétration américaine et soviétique au Moyen-Orient, la montée du nationalisme et l’opposition entre Israéliens et Arabes remettent en question les intérêts de l’Europe occidentale : la question essentielle est celle du pétrole, indispensable à tous et à la fabrication d’« armements modernes », car la production disponible des autres gisements mondiaux ne peut lui suffire.

Le monde arabe n’échappe pas à la confrontation entre l’Est et l’Ouest, il se transforme progressivement en un terrain d’affrontements. La RFA y intervient en préconisant la solution de la négociation, conformément à ses intérêts politiques et économiques. Sensible aux reproches vivaces que lui firent les Alliés d’avoir par le passé en de nombreuses occasions eut recours à la force armée, l’Allemagne de l’après-guerre pose les premiers jalons de sa réhabilitation par les réparations financières et par l’aide au développement.

Par crainte de voir les pays non-alignés reconnaître la RDA, Bonn adopte une attitude compréhensive à l’égard des aspirations des États arabes à l’unité et à la souveraineté nationale, tandis que du côté industriel, on ne se montre pas enclin à associer le développement de l’économie fédérale à celle des puissances colonialistes, d’autant plus que les entreprises est-allemandes tentent une percée dans la région.

Pour les dirigeants allemands, les principes ne sont jamais absolus ; rompus à l’art difficile du possible et de l’équilibre entre les tendances contradictoires, ils oscillent dans des limites étroites et au gré de la conjoncture internationale. Soucieux de consolider et d’améliorer leurs rapports avec Paris, ils ne condamnent pas les responsables politiques et militaires français qui décident de rétablir l’ordre en Algérie, mais ne soutiennent pas publiquement la guerre coloniale.

Le succès du référendum sur la Sarre, sa réintégration à la RFA en 1957, ainsi que la crise de Berlin font converger les voix en matière de politique extérieure, et permettent aux sociaux-démocrates du SPD d’alléger la complexité des tâches de la coalition gouvernementale, CDU-FDP, en pratiquant une sorte de politique extérieure parallèle (Nebenaussenpolitik) de reconnaissance et de soutien au FLN, et en agissant ouvertement, là où Bonn fait preuve de prudence et de retenue.

Ces interventions n’ont pas d’influence décisive sur la position du gouvernement fédéral : celui-ci considère la question algérienne comme une affaire intérieure française et se prononce en faveur de la politique du général de Gaulle pour parvenir à « une solution raisonnable ». Les dirigeants allemands considèrent toutefois qu’il est indispensable que l’Algérie demeure stratégiquement et diplomatiquement liée à la France. Si le conflit algérien n’entraîne pas de difficultés majeures dans les relations franco-allemandes, il n’en donne pas moins naissance à un contentieux qui s’alourdit avec la prolongation de la guerre.

La dernière Fédération du FLN n’a jamais été démantelée comme ce fut le cas pour toutes les autres, entre 1955 et 1957, elle n’a pas cessé ses activités et aucun dirigeant algérien ne fut expulsé d’Allemagne vers la France.

On peut avancer l’idée qu’elle a bénéficié des événements qui bouleversent, en mai 1958, l’État français. Le tournant politique qui s’opère annonce une issue et des perspectives de négociations. Des dirigeants français, convaincus de l’inéluctabilité du cessez-le-feu et en quête de futurs négociateurs algériens, auraient ménagé un mouvement nationaliste qui épargnerait dans une certaine mesure les intérêts économiques et nucléaires de la France en Algérie et plus particulièrement dans le Sahara.

Mais les archives révèlent aussi que les dirigeants nationalistes ont mené une remarquable résistance diplomatique sur la scène internationale.

Le 19 mars 1962, à Bonn, les partis chrétien-démocrate et social-démocrate se félicitent que le gouvernement français se soit débarrassé du fardeau de la guerre en Algérie et qu’il en ait débarrassé l’Alliance, il pourra ainsi manifester plus activement sa présence en Europe, mais il faudra encore qu’il adopte des attitudes plus souples à l’égard des problèmes mondiaux. La France, en consacrant définitivement le droit des Algériens à l’autodétermination, a servi sa propre cause et celle de l’Occident.


[1] Nassima Bougherara, Les relations franco-allemandes à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963). Berne : Peter Lang, 2006.

[2] N. Bougherara, « Wie wird das diplomatische Archiv zur Historie ? Die deutsch-französischen Beziehungen auf die Probe gestellt im Zusammenhang mit der algerischen Frage ». In Françoise Lartillot et Axel Gellhaus (dir.)., Dokument/Monument, Textvarianz in den verschiedenen Disziplinen der Germanistik (Document/Monument. La variance des textes dans les différentes disciplines de la germanistique). XVIIIe congrès de l’Association des germanistes de l’enseignement supérieur (AGES). Berne : Peter Lang, 2006.

[3] La doctrine Hallstein, formulée par Wilhelm Grewe, collaborateur du vice-ministre fédéral des Affaires étrangères, Walter Hallstein, appliquée, en 1955, après l’établissement de relations diplomatiques entre la RFA et l’URSS, définit le gouvernement fédéral comme le seul élu démocratiquement par le peuple allemand et comme son représentant légitime pour l’Allemagne tout entière. Son objectif majeur est de dissuader tout État d’entretenir ou d’établir des relations diplomatiques avec la RDA.

[4] Konrad Adenauer, Teegespräche, Bd. 3, 1955-1958. Berlin : Hans-Jürgen Küsters, 1986, p. 212 et 286.

[5] Réunion des ambassadeurs et des ministres de la RFA au Moyen-Orient, présidée par le secrétaire d’État Walter Hallstein, accompagné du directeur des Affaires politiques de l’Auswärtiges Amt, Wilhelm Grewe, le 3 avril 1956, à Istambul et qui réunit les représentants allemands de quatorze pays : Égypte, Jordanie, Irak, Iran, Syrie, Liban, Afghanistan, Pakistan, Turquie, Éthiopie, Arabie Saoudite, Soudan, Grèce et Lybie. Bonn reconnaît tacitement la formation des non-alignés sous la conduite de Nehru, de Tito et de Nasser, et développe très tôt un réseau de relations en Afrique et dans le monde arabe où l’on maintient l’aura du label made in Germany et sa fiabilité scientifique et technologique à l’ère décisive du règne des hydrocarbures.

[6] L’idée d’une solidarité plus conséquente du gouvernement est-allemand en faveur des représentants du FLN et de la cause indépendantiste, généralement répandue, est inexacte. De 1973 à 1974, inscrite à l’université Humboldt de Berlin-Est, j’ai procédé à des recherches de documentation sur ce thème : à l’exception d’articles divers sur les orientations générales en matière de politique étrangère et de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il n’y avait pas de traces de traitement de la question, ni d’opérations gouvernementales ou du parti dans les archives institutionnelles de la bibliothèque d’État (Staatsbibliothek), du Conseil d’État (Staatsrat) et du service des archives du SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne). Les archives des services de la « Sécurité d’État » (Staatssicherheit ou Stasi) qui n’étaient naturellement pas accessibles à cette époque, au même titre que celles des services des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, doivent être encore explorées.

[7] PAAA (Politisches Archiv des Auswärtigen Amts / Archives politiques du ministère fédéral des Affaires étrangères à Berlin), Aktenbestände 324 (Länderreferat Frankreich), B10, B11, B12, B18.

[8] « Les personnes poursuivies pour des raisons politiques ont le droit d’asile. » Elles ne peuvent être ni refoulées, ni expulsées, ni livrées. Seuls les criminels ne peuvent pas compter sur la protection de la Constitution.

[9] CDU : Union chrétienne-démocrate d’Allemagne. CSU : Union chrétienne-sociale. FDP : Parti libéral-démocrate.

[10] SPD : Parti social-démocrate d’Allemagne.

[11] Siegfried von Nostitz, Algerisches Tagebuch 1960-1962. Düsseldorf, 1971, p. 85. Nassima Bougherara, entretien avec Mohammed Harbi, Paris, 3 mars 2000.

[12] Paul Frank, Entschüsselte Botschaft. Ein Diplomat macht Inventur. Stuttgart : Deutsche Verlagsanstalt, 1981.
De 1950 à 1956, Paul Frank est secrétaire du premier consul général d’Allemagne à Paris, puis conseiller de son successeur, le premier ambassadeur Vollrath von Malzan. De 1957 à 1959, il est chargé des secteurs de l’Europe occidentale et de l’Afrique du Nord à Bonn. De 1960 à 1963, il est observateur à l’ONU. Il est nommé secrétaire d’État aux Affaires étrangères de 1963 à 1974 et participe aux négociations des Accords de Moscou, de Varsovie et de Prague, puis travaille à la Présidence fédérale, de 1974 à 1979, sous Walter Scheel. De 1980 à 1982, il est coordinateur des relations franco-allemandes.

[13] Paul Frank, entretien du 17 janvier 2002, op. cit.

[14] N. Bougherara, entretien avec Paul Frank, op. cit.

[15] Ministère des Affaires étrangères (MAE), Direction des Affaires politiques (DGAP), Mission de Liaison avec l’Algérie (MLA), vol. III, note n° 00751, Bad Godesberg, 17 avril 1959. MLA, vol. IV, rapport, Paris, 4 novembre 1959.

[16] MLA, vol. III, note n° 00751, Bad Godesberg, 17 avril 1959. Vol. IV, rapport, Paris, 4 novembre 1959.

[17] MLA, vol. XI, rapport n° 1990/AMT, « Mise au point des récentes fournitures d’armes belges à l’AFN et de l’attitude gouvernementale à l’égard du FLN. Proposition de mesures générales », Raymond Bousquet, ambassadeur de France, Bruxelles, 26 décembre 1958, p. 1-17. Secrétariat d’État aux Affaires algériennes (SEAA), carton 12, Commentaire de l’organigramme, de la hiérarchie politico-administrative du FLN-ALN, n° 2164/2, juillet 1956 - mars 1960. SEAA, Carton 17, SCINA, procès-verbal de la réunion du 6 janvier 1960 sur la situation du FLN en métropole au 1er janvier 1960, p. 1-28. Rapport sur « Les positions respectives de la Fédération de France du FLN et du MNA face aux négociations d’Évian », avril 1961, p. 1-23. Centre de Renseignements avancé d’Afrique du Nord, étude n° 2164/2, mars 1961, note du Colonel Ruyssen, 3 avril 1959. Note SN. RG.INF.8°S. N° 928 sur « L’attitude des organisations FLN de la région parisienne devant la négociation d’Évian », SN. RG.INF.8°S. N° 928, 21 mars 1961, p. 1-10.

[18Ibid., dépêche, n° 237/VI, 10 décembre 1956.

[19] SEAA, carton 17, Présidence du Conseil, Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), notice d’information, « Importance des ressources du FLN », n° 623, 10136/II A, 7 août 1958, p. 2.

[20Ibid., p. 3-4. Rapport n° 3424, ministère de l’Intérieur, Diretcion générale de la Sûreté nationale (DGSN), Paris, 14 août 1958, complété par une notice n° 10.136/II, datée du 7 août 1958, établie par le SDECE, sur la « Contribution de la colonie musulmane de métropole au financement de la rébellion algérienne ».

[21] SEAA, carton 12, SDECE, notice, « Les dépenses du FLN à l’extérieur de l’Algérie », n° 1.013/11/ BE, 2 mai 1960.

[22Ibid., DGSN, étude détaillée sur la contribution de la colonie musulmane de métropole au financement de la rébellion algérienne, n° 3424, Paris, 14 août 1958. Ibid., Note, SN/RG/ 8°NP 9533, 25 juillet 1958, p. 10.

[23Ibid., fiche FLN/IV/E, 20 février 1959.

[24Ibid., « Les finances du FLN en 1958 » : en mai 1958, le Comité de coordination et d’exécution (CEE) a réparti une somme de 430 millions de francs entre les wilayas d’Algérie.

[25] Arabie Saoudite, Irak, Jordanie, Koweit, Liban, Libye, Égypte, Syrie et Yémen.

[26] SEAA, carton 12, tableaux récapitulatifs des recettes pour 1958.

[27Ibid., SDECE, notice d’information n° 9964/II A, 4 août 1958 : en 1956, la Djamiat avait en dépôt dans les banques suisses 400 millions de francs français destinés essentiellement à des achats de matériel de guerre.

[28Ibid., p. 4.

[29Ibid., p. 5-7.

[30Ibid., tableaux de matériels livrés et les prix en millions de francs, établis pour l’année 1959.

[31] SEAA, carton 17, étude n° 1.013/11/BE, 2 mai 1960, p. 23.

[32Ibid., p. 27.

[33] SEAA carton 12, SDECE, rapport sur « Les dépenses du FLN à l’extérieur de l’Algérie », n° 1.013/11/ BE, 2 mai 1960, p. 2

[34Ibid., dépêche n° 1875, Bruxelles, 29 novembre 1955.

[35] MLA, vol. XIII, télégramme n° 408-12, Bruxelles, 13 octobre 1959.

[36] MLA, vol. XI, note de Raymond Bousquet, ambassadeur de France en Belgique, 5 septembre 1957, et rapport n° 1177/EU, 25 juillet 1958.

[37] SEAA, carton 17, dépêche n° 1188/237, 27 février 1957.

[38] SEAA, ibid., dépêche n° 1063/237, 21 février 1957. Série Europe (EU), vol. MCCLXXII, minute n° 13, Paris, 23 janvier 1958.

[39Ibid., SDECE, dépêches n° 5346/232/237, 27 novembre 1956, et n° 4876/P/237, 7 novembre 1957.

[40Ibid., note n° 567/BE, 3 avril 1959.

[41Ibid., fiche du 20 février 1959.

[42Ibid., note du 6 mai 1959.

[43] MLA, vol. III, dépêche n° 44 AMT, « Déclarations d’un diplomate sur l’Algérie », Tétouan, 12 février 1959.

[44] Série Europe (EU), vol. MCCLXXII, télégrammes de Maurice Couve de Murville, Paris, 12 décembre 1957 et 18 janvier 1958. Communiqué, Bonn, 4 juin 1958, minute n° 188, Bonn, 22 décembre 1958. Télégramme n° 3024, Bonn, 24 octobre 1959.

[45Ibid., communiqué n° 00991, Bonn, 4 juin 1958.

[46] MLA, vol. III, rapport n° 00751, Bad-Godesberg, 17 avril 1959.

[47Ibid., télégramme n° 3280/81, Bonn, 17 septembre 1958.

[48] MLA, vol. IV, télégramme n° 3812, Paris, 10 août 1959. Vol. V, lettre du Délégué général du gouvernement en Algérie, Alger, 3 décembre 1959.

[49] MLA, vol. III, note n° 01164, Bonn, 18 juin 1959.

[50] SEAA, carton 17, étude n° 1.013/11/BE, Direction générale du Renseignement en Algérie, Bureau d’études, 2 mai 1960, p. 1-43.

[51] MAE, série EU, vol. MCCLXXIII, télégramme de François Seydoux, n° 966/968, Bonn, 1er avril 1959. MLA, vol. III, rapport « L’aide de l’Allemagne fédérale au FLN », Paris, 24 novembre 1959, p. 272-274.

[52] SEAA, carton 12, Premier ministre, Cabinet militaire, « Graphique des disponibilités rebelles en armes de guerre », n° 119/PM/Cab. Mil.PR, Paris, 2 mars 1960.

[53Ibid., note n° 206, 2 juin 1961 : « Selon un renseignement de bonne source, mais non recoupé » : 200 mortiers de 120 millimètres et 150 canons de 80 à 90 millimètres seraient à Alexandrie en attendant d’être évacués sur les dépôts de Libye.

[54] Ali Haroun, La septième wilaya, la guerre du FLN en France. Paris : Seuil, 1986, p. 206-208, 210-219.

[55] En février 1960, les services de la Défense française établissent les croquis du développement de la logistique du FLN-ALN et de l’implantation de ses unités, d’Alexandrie à Rabat, les bilans des disponibilités du Front en armes de guerre ainsi que la liste des lieux de stockage. Le commandement de l’ALN poursuit l’équipement de nouvelles unités. Il crée sur l’ensemble des deux frontières 13 bataillons nouveaux équipés d’armes lourdes et rend homogène l’armement de ses unités au Maroc, essentiellement dotées de matériel tchèque et soviétique, tandis qu’à l’Est, il constitue quatre compagnies lourdes, dotées de canons de 20 millimètres et de mortiers de 120 millimètres. Pour le mois de novembre 1960, 1 000 à 1 800 tonnes de stocks d’armes et de munitions d’origine tchèque sont livrées. Les autres apports consistent en la fourniture de canons Skoda, de fusils antichar soviétiques Simonov, de matériels militaires divers et de marchandises de Chine populaire, de postes radio, de canons de 75 et 82 SR et de mortiers de 81.

[56] SEAA, carton 11, Premier ministre, État-major général de la Défense nationale, note d’information n° 206/EMDGN, Paris, 2 juin 1961.

[57] SEAA, carton 12, extrait d’un interrogatoire expédié d’Alger par le lieutenant-colonel Ruyssen du CROGG/3, 3 mars 1956, lettre manuscrite du 12 mars 1956.

[58Ibid., lettre n° 260, 21 janvier 1956.

[59] SEAA, carton 17, rapport n° 1990/AMT, Bruxelles, 26 décembre 1958, p. 12.

[60Ibid., dépêche n° 3572/P/237, 22 juillet 1957.

[61] MLA, Dossier n° 1990/AMT, Bruxelles, 26 décembre 1958, p. 13.

[62] MLA, vol. V, rapport n° 02130, télégramme, n° 3547, Bonn, 26 novembre 1959 et 1er décembre 1959.

[63] EU, vol. MCCLXXIV, notes n° Pol 500-343-60, Pol 204-82.00/0 1883/600, Pol 500-696/60 VSV, ambassade de la RFA, Paris, 31 mars, 1er avril, 4 juillet 1960.

[64] SEAA, carton 12, note verbale de l’ambassade de la RFA, n° Pol 500-696/60 VSV, Paris, 4 juillet 1960.

[65] MLA, vol. VI, DGAP, note pour le ministre, 14 décembre 1960.

[66] EU, vol. MCCLXXIV, Minute, Paris, 28 mai 1960.

[67] SEAA, carton 12, lettre réf. MLA/HL/AD, Maurice de Courville au ministre des Armées, Paris, 7 avril 1960.

[68Ibid., lettre n° 313/MLA, Maurice Couve de Murville, Paris, 7 juillet 1960.

[69] EU, vol. MCCLXIII, lettre n° 135, Hanovre, 23 décembre 1960.

[70] Pierre Genève, La Main rouge. Paris : Éditions Nord-Sud, 1960.

[71] SEAA, carton 11, télégramme, « Très secret », sans numérotation, ni signature, ni lieu d’envoi, ni de réception, Belgique, 29 août 1959.

[72] Bernard Tricot, Mémoires. Paris : Éditions Quai Voltaire, 1994, p. 95 ; id., Les sentiers de la paix. Paris : Plon, 1972, p. 212-213. Il est à l’origine de la création d’un ministère des Affaires algériennes, à la fin de l’année 1960, indépendant du Premier ministre, placé sous la responsabilité d’un diplomate, Louis Joxe, nommé ministre d’État.

[73] Michel Debré, Mémoires. T. III  : Gouverner. Paris : Albin Michel, 1988, p. 199.

[74] Remi de Guilhermier, Un ministre de l’Information dans la guerre d’Algérie, Louis Terrenoire (5 février 1960-24 août 1961). Mémoire de DEA « Histoire du xxe siècle », sous la direction de Jean-Noël Jeanneney, Institut d’études politiques de Paris, juin 1998.

[75] Michel Debré, Garde des Sceaux, en juin 1958, renouvelle les pouvoirs spéciaux. Jusqu’au mois de décembre 1961, une police parallèle dite Mouvement pour la coopération dont les membres sont appelés « barbouzes » mène des actions de violence contre les membres du FLN et ses sympathisants. Le 23 décembre 1961, Michel Debré demande au Délégué général d’y mettre fin ou d’en limiter les interventions. Voir Maurice Faivre, Conflits d’autorités durant la guerre d’Algérie. Nouveaux inédits. Paris : L’Harmattan, 2004, p. 72-73.

[76] MLA, vol. XI, note de novembre 1958.

[77] EU, Série 7, sous-série 24, dossier 1, RDA (1956-1960). Emmanuel d’Harcourt, chargé d’Affaires, Ambassade de France en Pologne, Soi-disant participation du gouvernement de Bonn à la guerre d’Algérie, Lettre à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, n° 160, 23 novembre 1960. MLA, Gouvernement militaire français de Berlin, le Ministre Délégué, de Chalvron, Situation des Français musulmans originaires d’Algérie, accueillis en DDR, Lettre à son Excellence Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, n° 264/SGL, 22 juin 1959. Présence d’Algériens en DDR, n° 85, 15 février 1960. Situation et activités des éléments Nord-Africains en DDR, n° 472, 8 octobre 1960. DDR et Algérie, n° 519, 7 novembre 1960. MAE, Mission militaire française de Liaison près le Haut-Commandement soviétique en Allemagne, le colonel Choffin à la Direction d’Europe, Sous-Direction d’Europe centrale, n° 047/MMFL, 13 janvier 1960.

1 MLA, fonds EU, RFA, Action anti-FLN (avril 1957-mars 1962), fiche secret, 023/000046, Paris, fin octobre 1958. Secrétariat général, Fiche secret n° 024/000047, Paris, fin octobre 1958, op. cit.

[78] Constantin Melnik, Un espion dans le siècle. La diagonale du double. Paris : Plon, 1994, p. 327.

[79] MLA, vol. VI, rapport sur l’exécution à Bruxelles des directives du gouvernement relatives à l’Algérie, n° 1326, Bruxelles, 30 août 1960. Ces directives sont également adressées aux autorités des Pays-Bas et du Grand-duché de Luxembourg.

[80] MLA, vol. XI, minute de la DGAP/MLA, note pour le Cabinet, Paris, novembre 1958. Rapport confidentiel, n° 1990/AMT, Bruxelles, 26 décembre 1958.

[81Ibid., indications données par Raymond Bousquet, ambassadeur de France à Bruxelles. Le rapport de l’effectif des services français avec celui des autres services étrangers est d’1 à 4 pour les Soviétiques, 1 à 3 pour les Américains et les Britanniques. Annuellement, les sommes mises à la disposition de l’ambassade pour couvrir l’ensemble des objectifs des missions sont dix fois inférieures au montant des cotisations recueillies par le FLN. Seule la France continue à confiner le plus souvent les services spéciaux dans le cadre étroit des couvertures consulaires.

[82] Attentats le 28 septembre 1956, le 25 février et le 5 juin 1957, à Hambourg, contre le trafiquant d’armes Otto Schlütter ; le 20 juillet 1957, à Tanger, contre la firme de Georg Puchert ; le 19 septembre 1957, à Genève, l’homme d’affaires, Marcel Leopold, est abattu à son domicile ; le 9 novembre de la même année, Leo Geiser, fabricant d’instruments de précision, est empoisonné par une fléchette et poignardé dans sa villa de la banlieue genevoise ; le 5 novembre 1958, à Bonn, maître Aït-Ahcène est grièvement blessé par balles, ce dernier ne succombe pas à ses blessures, mais meurt de leucémie à Tunis, le 19 janvier 1959 ; à Saarebruck un représentant du MNA, Tahar Soualem, est abattu ; le 3 mars 1959 ; à Francfort, Georg Puchert est tué par l’explosion de sa voiture ; le 22 octobre, à Cologne, Ahmed Nesbah, ancien membre du MNA, est assassiné ; le 31 décembre 1959, à Francfort, Abdelkader Nouasri est grièvement blessé. Hors des frontières fédérales, la secrétaire espagnole du Bureau du FLN succombe, en 1957, à Madrid ; le 23 novembre 1958, à Casablanca, maître Auguste Thuveny ; en 1959, à Paris maître Ould Aoudia ; le 9 mars 1960, à Bruxelles, l’étudiant Akli Aïssou ; les professeurs Georges Laperche, le 26 mars 1960, à Liège, et Legrève à Linebeek ; le 5 juillet 1959, à Rome, Tayeb Boularouf échappe à un attentat, mais à sa place mourra un enfant italien.

[83La Main rouge. Reportage. Propos recueillis et adaptés par Pierre Genève, Paris : Éditions Nord-Sud, 1960, 218 p.

[84] « Die Rote Hand », Der Spiegel, 3 et 25 mars 1959, 2 mars 1960.

[85] La conférence de presse fut diffusée par la DPA (Deutsche Presse Agentur), 80/69 id, Francfort, le 16 avril 1959.

[86] MLA, vol. V, télégramme, n° 1259/61, François Seydoux, 28 avril 1959.

[87Ibid., télégramme de François Seydoux, n° 1133 et 1156/55, Bonn, 16 et 17 avril 1959.

[88] EU, vol. MCCLXXIII, rapport de François Seydoux, n° 02255, Bonn, 17 décembre 1959.

[89] MLA, vol. V, télégramme de François Seydoux, n° 3883-85, 31 décembre 1959.

[90Ibid., télégramme n° 3520/23, Bonn, 30 novembre 1959.

[91] MLA, vol. II, télégrammes n° 2592/93, n° 00780, n° 2666/69, n° 2733/34, 4-7 et 13 novembre 1958, n° 2876/79, 21 novembre 1958, François Seydoux, Bonn, 26 mars 1959.

[92Ibid., télégramme n° 1259/61, Bonn, 20 avril 1959.

[93Ibid., télégrammes, n° 00265, n° 00350, 13 et 26 février 1960, n° 838 et n° 00373, 1 et 2 mars 1960.

[94] SEAA, carton 12, ministère de l’Intérieur, message chiffré n° 7254 du Délégué général du gouvernement à Alger, adressé à la Division des renseignements du Quai d’Orsay, 31 octobre 1959.

[95] DGAP, télégrammes de François Seydoux, n° 3879, Paris, 3 novembre 1958.

[96Spiegel, Stern, 19 novembre 1958. Tagesanzeiger, Zurich, 22 novembre 1958.

[97] MLA, vol. II, télégramme n° 2628-33, 6 novembre 1958, Bonn, Déclaration du FLN du 6 novembre 1958.

[98Ibid., rapport de François Seydoux à Couve de Murville, « Affaire Aït-Ahcène », Bonn, n° 01923, 26 novembre 1958.

[99Ibid., compte rendu de la conférence entre représentants français et allemands au sujet de l’activité « des rebelles algériens en République fédérale d’Allemagne », n° 01921, Bonn, 26 novembre 1958, p. 114-124 : à cette conférence participe également Paul Frank. Commentaire des comptes rendus français et allemand, n° 01997, Bonn, 9 décembre 1958.

[100] EU, vol. MCCLXXIII, rapport n° 02220, François Seydoux, Bonn, 11 décembre 1959.

[101] MLA, vol. IV, rapports de Raymond Bousquet, ambassadeur de France en Belgique, n° 611/627/636/MLA, Bruxelles, 7-12 au 12 avril 1960. La libre Belgique, « Le capitaine Serrano nous dit [...]. L’affaire des explosifs », 6-9 avril 1960.

[102] MLA, vol. IV, télégramme n° 1020/21, Bonn, 10 mars 1960.

[103Ibid., télégramme de François Seydoux, n° 02255, Bonn, 17 décembre 1959.

[104Ibid., télégramme de François Seydoux, n° 3497, Bonn, 28 novembre 1959.

[105] PAAA, 204/205/B12-B18-B24. Herbert Blankenhorn, Verständnis und Verständigung. Blätter eines politischen Tagebuchs 1949 bis 1979. Francfort-sur-le-Main, 1979. AdsD (Archiv der sozialen Demokratie der Friedrich-Ebert Stiftung / Archives du SPD de la Fondation Friedrich Ebert), Abteilung I (Nachlässe und Deposita), Mappennummer 947, Hans-Jürgen Wischnewski, Bonn AdsD, Parlamentsprotokolle, Verhandlungen des deutschen Bundestages, 1949-1965, Bonn. Konrad Adenauer, Briefe 1945-1959, Paderborn 2000, Rhöndorfer Ausgabe. Konrad Adenauer, Teegespräche, 1950-1961, Berlin, 1984-1992, Rhödorfer Ausgabe.

[106] Paul Frank, in : Algerienkrieg - Kampf an vielen Fronten (« La guerre d’Algérie - Combat sur plusieurs fronts »). Arte, 28 octobre 1998.

[107] Hans-Jürgen Wischnewski, Mit Leidenschaft und Augenmass, Politische Memoiren. Munich : C. Bertelsmann, 1989. H.-J. Wischnewski est membre du SPD depuis 1946, membre du Bundestag depuis 1957, secrétaire du syndicat de l’industrie métallurgique (IG Metall, 1953-1959), président fédéral des Jeunes socialistes (1959-1961), président du SPD de Cologne et membre du Comité directeur de la région Mittelrhein (Rhin moyen, 1957-1968), ministre fédéral de la Coopération économique (1966-1968), puis secrétaire d’État parlementaire et ministre-adjoint au ministère fédéral des Affaires étrangères (à partir de mai 1974).

[108] Ute Bönner, Gerald Endres, Walmot Möller-Falkenberg in Algerien Krieg - Kampf an vielen Fronten (« La guerre d’Algérie - Combat sur plusieurs fronts »), Arte, Deutschland, 1998.

[109] Ibid.

[110] MLA, vol. II, note n° 184/EU, 28 décembre 1957.

[111] MLA, vol. VI, Lettre n° 338/SIG, Paris, 7 mai 1956.

[112] EU, vol. MCCLXVII, dossier n° 161/EU, Questions écrites n° 61, n° 26 et n° 7821 posées les 19, 20, et 25 octobre, ainsi que le 14 novembre 1957, par monsieur Michel Debré, sénateur, au ministre des Affaires étrangères, Paris, 14 novembre 1957. EU, vol. MCCLXXII, rapport, « Question de M. Debré sur le séjour en Allemagne de représentants du FLN », n° 01709, Bad-Godesberg, 25 octobre 1957.

[113] Bulletin de presse du SPD, 2 avril 1959.

[114] AdsD, Mp7, Résolution du 30 mars 1958. EU, vol. MCCLXXII, note n° 147, Hambourg, 2 avril 1958.

[115Ibid., télégramme n° 1181-84, Bonn, 19 mai 1958, n° 1203, 20 mai 1958.

[116] Il s’agit de Mohammed Harbi et d’Aziz Ben Miloud.

[117] M. Harbi, Une vie debout. Mémoires politiques. Paris : La Découverte, 2001, t. I, p. 220-222. Communiqué de la Fédération de France du FLN du 22 mai 1958, « Face à la crise politique française », in « L’Algérie 25 ans après », Sou’al. Paris, septembre 1987, n° 7, p. 69-70.

[118] N. Bougherara, entretien avec H.-J. Wischnewski, op. cit. M. Harbi, « Histoire du FLN. Dossier sur certains aspects occultés du FLN en France (archives) », Sou’al, op. cit., p. 7-17 ; id., Une vie debout..., op. cit., p. 220, 391-400.

[119] AAAA, Pol 204-83, Besuch von deutschen Jungsozialisten, H.-J. Wischnewski, Jockel Fuchs, Heinz Nestler, Horst Seefeld, Tunis 25 septembre 1958. Pol 205-83, Botschaft der Bundesrepublik Tunis, Bericht vom 25 septembre 1958.

[120] MLA, vol. II, n° 407/EU, copie d’un exemplaire d’El Moudjahid, Berlin, 17 décembre 1957. Freies Algerien, le bulletin est publié en langue allemande, il est édité en collaboration avec le Cercle des amis de l’Algérie sous le patronage de Hans-Jürgen Wischnewski, par la société R. Reddigau à Cologne-Ehrenfeld, Hansemannstrasse 5. Il se présente à partir d’octobre 1959 comme l’organe du GPRA. Les Algériens revendiquent le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dénoncent le déclin du colonialisme, l’appui donné par la RFA à la France pour la guerre en Algérie, les crédits et les contingents de l’OTAN et développent les avantages que la République fédérale pourrait obtenir si elle entretenait une politique d’amitié et de partenariat avec le monde arabe.

[121] MLA, vol. II, note de renseignements sur les activités du Cercle de travail des amis de l’Algérie comprenant la liste des adhérents de nationalité allemande, n° 250, 8 octobre 1959.

[122] Ali Haroun, La septième wilaya..., op. cit., p. 218-219.

[123] AdsD, Résolution du 6e congrès du Syndicat des métaux (IG METALL), Berlin, 17-22 octobre 1960.

[124] AdsD, Bonn, Abteilung II, Bestände der SPD-Parteiführung und des Parteivorstandes sowie sozialdemokratischer Parlamentsfraktionen. SPD-Parteivorstand : Abteilung Internationale Beziehungen/Auslandsreferat, 1947-1964. Protokoll der Verhandlungen des Parteitages der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands vom 10 bis 14. Juli 1956 in München, Süddeutscher Verlag. Protokoll der Verhandlungen des Parteitages der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands vom 18. bis 23. Mai 1958 in Stuttgart, Hannover-Bonn : Neuer Vorwärts-Verlag, Nau & Co. Protokoll der Verhandlungen des Parteitages der Sozialdemokratischen Partei Deutschlands vom 13. bis 15. November 1959 in Bad Godesberg, Hannover-Bonn : Neuer Vorwärts-Verlag, Nau & Co.

[125] MLA, vol. II, note du Gouvernement militaire français de Berlin, n° 371/SGL, 4 décembre 1958.

[126] N. Bougherara, entretien avec H.-J. Wischnewski, Et si c’était à refaire, vous recommenceriez ? Bonn, 28 octobre 1999.

[127] N. Bougherara, op. cit.

[128SPD-Pressedienst P/XVII/44, « Vor dem Ende des algerischen Krieges », 21 février 1962.

[129] SPD-Archiv, Politik, Anton Müller-Engstfeld, « 4 000 Algerier in deutschem Asyl », Nummer 2936/570, Bonn, 13 février 1962.

[130] La revue mensuelle des syndicats allemands indique, dans son numéro d’août 1960, que sur 3 000 Algériens résidant en RFA, moins de la moitié aurait un emploi permanent : 600 en Sarre, 200 à Stuttgart, 150 à Hambourg, 76 à Nuremberg, 60 à Essen et à Bonn. Il s’agit généralement de main-d’œuvre non qualifiée ou mal employée par suite des difficultés de langue.

[131] MLA, vol. V, rapport n° 209 EU, Hanovre, 21 juin 1957.

[132] Claus Leggewie, Kofferträger. Berlin : Rotbuch-Verlag, 1984, p. 84-88.

[133Skizze, organe des étudiants de l’université de Kiel, juin 1959.

[134] N. Bougherara, entretien avec H.-J. Wischnewski, op. cit. Vingt-quatre numéros de Freies Algerien (« Libre Algérie ») sont publiés à Cologne, Buchdrückerei und Verlag R. Reddigau, Köln-Ehrenfeld, Hansemannstr. Cinq numéros, par le Cercle des amis de l’Algérie. Le numéro est tiré en moyenne à cinq mille exemplaires, ses ventes permettent au journal de s’autofinancer. Il a le mérite, au-delà de la propagande du FLN, de communiquer des informations diversifiées, autres que celles monopolisées par les sources officielles françaises.

[135] AdsD, Mappennummer 105, Parlamentarisch-Politischer Pressedienst, Bonn, Bundeshaus-Pressehaus, « Kein Deutscher mehr in die Fremdenlegion », 1er décembre 1958, « Jugendorganisation gegen Fremdenlegion », 27 mai 1959, « Aufklärungsfeldzug gegen die fremdenlegion », 2 septembre 1959. SPD-Pressedienst, P/XIV/116, H.-J. Wischnewski, « Fremdenlegion mit NATO unvereinbar », 27 mai 1959, « Saharabombe und Fremdenlegion sind gegen uns », 17 mars 1960.

[136] Bulletin de presse du SPD, 2 octobre 1959.

[137] N. Bougherara entretien avec Paul Frank, op. cit.

[138Ibid.

[139] H.-J. Wischnewski, Mit Leidenschaft und Agenmass..., op. cit., p. 112-115. A. Haroun, La septième wilaya..., op. cit., p. 331-344.

[140] MLA, vol. VI, Gouvernement français militaire de Berlin, dépêche n° 164/SGL, 31 mars 1960.

[141] N. Bougherara, entretien avec H.-J. Wischnewski, op. cit. AdsD, Depositum H.-J. Wischnewski, PPP (Parlamentarisch-Politischer Pressedienst), Abgeordneter Wischnewski trifft FLN-Vertreter, Nr. 9, 23 mai 1961.

[142] AdsD, Depositum H.-J. Wischnewski, Mappe 87, Deutscher Bundestag, Presseauswertubg, 29 janvier 1960. EU, vol. MCCLIX, note n° 1570, Bonn, 13 avril 1961.

[143] MLA, vol. VII, note n° 2683/86, Entretien François Seydoux-Carlo Schmid, Bonn, 15 juin 1961. AdsD, Depositum Hans-Jürgen Wischnewski, Mappe 87, RIAS II, Diskussion Gerhard Fritz (CDU), H.-J. Wischnewski (SPD), Egon Bahr (SPD), 7 février 1960, p. 3.

[144] MLA, vol. VII, E. Wernert à François Seydoux, note n° 227/DGP, Düsseldorf, 16 mars 1962.

[145] Archiv der SPD, BPA Abt. Nachrichten, Rundfunkaufnahme, Deutsche Gruppe West, RIAS II/20 mars 1960, H.-J. Wischnewski « Zum Waffenstillstand in Algerien », « Zu den Beziehungen zwischen der Bundesrepublik und Algerien », 7 septembre 1962, « Ben Bella : keine Anerkennung der Zone », 8 novembre 1963. SPD-Pressedienst P/XVII/185, « Vertrauenskapital », Bonn, 11 septembre 1962.

[146] AdsD, Depositum H.-J. Wischnewski 8, Korrespondenz mit deutschen Botschaften, lettre n° 2357, « An den Bundesminister des Auswärtigen Herrn Dr Gerhard Schröder », Bonn, 29 novembre 1963. Ibid., Lettre n° IB4-83.04/92.-N., « Auswärtiges Amt an den Abgeordneten des Deutschen Bundestages Herrn Hans-Jürgen Wischnewski, Bundeshaus, Bonn, 25 septembre 1964.

[147] AdsD, Wischnewski Depositum, Stenographische Berichte 58/67, « Deutscher Bundestag, 3. Wahlperiode », 147. Sitzung, 8 mars 1961, p. 8348-8351. 159. Sitzung p. 9240-9241, Bonn, 5 mai 1961.

[148Ibid., « Der Bundesminister des Auswärtigen an den Abgeordneten des Deutschen Bundestags Herrn Hans-Jürgen Wischnewski », lettre n° MB 376/61, Badenweiler, 23 mars 1961.

[149] Propos rapportés par son conseiller, Arnold Joosten, in : Zeit Wirtschaft, 25 février 2005.

[150] N. Bougherara, « De l’accord de Colomb-Béchar, du protocole de Baden-Baden et du traité de l’Élysée : succès et échecs des initiatives françaises vers l’Allemagne », Allemagne d’aujourd’hui, octobre-décembre 2002, n° 62, p. 27-48. Id., « La coopération militaire atomique franco-allemande dans le contexte géopolitique et technologique de la guerre froide ». In Klaus Morgenroth et Paul Vaiss (dir.). Les relations internationales au temps de la guerre froide. Berne : Peter Lang, 2006.


Citer cet article :
Nassima Bougherara « Les rapports franco-allemands à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963) : l’installation et l’action des indépendantistes algériens en République fédérale d’Allemagne », colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3 ?id_article=252