ENS LSH - Colloque - Pour une histoire critique et citoyenne, le cas de l’histoire franco-algérienne

Pour une histoire critique et citoyenne
Le cas de l’histoire franco-algérienne

20, 21, 22 juin 2006


BRANCHE Raphaëlle

Université Paris I-Panthéon-Sorbonne

De nouveaux colons ? L’installation des militaires français démobilisés en Algérie (1956-1962)

Session thématique « Administrer, encadrer, réprimer »

Mardi 20 juin 2006 - Matin - 9h45-11h45 - Salle F 08

Au printemps 1956, l’Association générale des étudiants d’Algérie prend soin des militaires blessés hospitalisés à Alger. Un colis leur est remis par des jeunes filles ; des invitations à dîner dans les familles sont organisées pour eux et, au-delà, pour les militaires stationnés dans le grand Alger. Bien plus, précise une note officielle, le comité d’action des étudiants s’occupe de trouver des « étudiantes marraines pour les intellectuels militaires (officiers ou sous-officiers appelés) » et fait appel à un vivier plus large pour le reste de la troupe[1] ! Est-ce le reflet de cette politique de séduction active menée aussi dans l’Oranais ? Toujours est-il que, fin 1956, un jeune cadet de Savoie, rappelé en Algérie en avril 1956, exprime, dès son retour en France, son désir de repartir s’installer de l’autre côté de la Méditerranée. Affirmant ne connaître personne susceptible de lui trouver un emploi, il s’efforce de décrire au ministre résidant son enthousiasme pour le pays et pour le « travail, fait par nos Français », ajoutant : « Je voudrais faire comme ceux qui y sont restés, continuer à soutenir l’Algérie. » Cependant l’essentiel est ailleurs, comme il le précise plus loin : « Durant mes 7 mois à Rio Salado, j’ai fait la connaissance d’une jeune fille. Je voudrais y retourner, et fonder un foyer, afin de donner à la France des enfants, pour augmenter la population française en Algérie. » [2] Robert Lacoste fait suivre la lettre au directeur départemental du travail et de la main-d’œuvre d’Oran et au maire de Rio Salado. Le jeune homme aura-t-il réussi à retrouver sa bonne amie et un emploi ? Aura-t-il finalement fondé une famille à Rio Salado ? Les archives ne nous permettent pas de suivre ce parcours. Tout au plus sait-on qu’entre janvier 1956 et juin 1960, près de 900 militaires démobilisés originaires de métropole se sont installés dans le corps d’armée d’Oran et que 200 autres sont venus les rejoindre jusqu’en décembre 1961.

Entre ces motivations individuelles, pudiquement - mais fermement -, avancées et ces statistiques d’installation, il est possible d’apercevoir la politique de séduction menée en direction des militaires du contingent par les autorités françaises. Avant de revenir sur ses faibles résultats, essayons d’en comprendre les enjeux et d’en préciser les modalités et parcourons ainsi tout un pan de la politique de la France en Algérie, confirmant l’immense fossé qu’il y avait alors à combler pour réussir l’Algérie française que l’on prétendait défendre et faire en même temps.

Officiellement, le désir de soutenir les militaires métropolitains qui souhaiteraient s’établir en Algérie après leur démobilisation apparaît dès la directive générale du ministre-résidant du 18 août 1956 : il s’agit alors seulement de les informer sur les possibilités existantes, de leur suggérer cette nouvelle orientation alors pourtant que beaucoup de militaires du contingent sont des rappelés, déjà engagés dans une vie professionnelle en France. La situation change toutefois rapidement avec l’arrivée en masse des appelés en Algérie. À la jeunesse des militaires répond alors l’image d’un pays que l’on caractérise aussi par sa jeunesse : jeunesse de ses habitants d’abord[3], mais plus largement jeunesse intrinsèque, caractérisée par un mélange de dynamisme et de potentiel inexploité. Un tract évoque ainsi, début 1958, un « pays jeune et en plein développement », offert aux « jeunes, dynamiques »[4]. En octobre 1959, l’officier supérieur responsable du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie (CAJA) se félicite des nombreux « militaires intéressés par la recherche d’un emploi rémunérateur ou la possibilité d’un avenir de choix dans un jeune pays en pleine expansion. Parmi eux, ajoute-t-il, nombreux sont ceux que des attaches sentimentales sérieuses incitent à séjourner en Algérie à leur libération ». Mais le contexte économique est là aussi pour attirer :

Le mirage du pétrole, et les perspectives du plan de Constantine, incitent à chaque libération plusieurs centaines de jeunes militaires à rechercher un emploi en Algérie.[5]

En avril 1961, ce sont cette fois les putschistes qui utilisent le même argument pour séduire les appelés métropolitains :

L’Algérie est une terre pour les jeunes [...] tu sais combien d’autres qui mènent aujourd’hui une existence sans idéal dans un quelconque Fouilly-les-Oies rêvent sous la grisaille de leur ciel à certains paysages personnellement [sic] jeunes de la belle Algérie et à l’avenir heureux qu’elle peut réserver à des foyers nouveaux.[6]

Entre-temps, l’action psychologique avait pu développer longuement cette thématique à destination des militaires dont les tâches variées étaient exaltées par les tracts du 5e Bureau, par Le Bled et les autres supports de la propagande militaire à destination du contingent.

C’est bien l’esprit des pionniers mythiques du xixe siècle qui est proposé en exemple ; c’est bien lui qui guide l’action entreprise[7]. C’est enfin lui qui donne son nom au bulletin d’information de l’association des démobilisés métropolitains en Algérie[8]. Dans cette guerre de reconquête menée de plus en plus activement depuis 1956 et renforcée, sur le plan économique, par la mise en place du plan de Constantine et les débuts de l’exploitation pétrolière, la France est à la recherche d’une « main-d’œuvre qualifiée et hautement qualifiée »[9] qui lui permette de donner à l’ensemble de l’Algérie le visage moderne et industriel qu’elle n’est pas parvenue à lui donner en plus de cent ans d’exploitation économique.

De fait, depuis le xixe siècle, l’Algérie s’est peuplée d’hommes et de femmes qui désignent ce pays comme leur terre et la France comme une mère patrie que l’on n’hésite pas à qualifier tantôt de marâtre. Pour ceux qui viennent de France, le contact est rarement aisé. Dans le contexte de la guerre, les soldats ne sont pas toujours traités comme ils l’attendraient, en particulier par la population des campagnes et des petits bourgs ruraux, éprouvée par les attentats et tenaillée par la peur. Début 1958, un projet d’association voit même le jour qui se propose d’atténuer le « sentiment pénible d’isolement » que sont censés ressentir les métropolitains récemment démobilisés, de même que ceux plus anciennement installés. Dans une lettre à Michel Gorlin, Yves Le Tac, le frère de Joël Le Tac alors reporter à Paris-Match et bientôt député UNR de Paris, explique son idée d’association en qualifiant les métropolitains et les Français « originaires d’Algérie » des « deux éléments de la population », des « deux groupes de la population française » dont il s’agit de faciliter le contact, afin d’« éviter la naissance d’un complexe d’émigré de la part des métropolitains »[10]. Yves Le Tac est lui-même installé à Alger depuis 1957 et y vend du matériel hospitalier. Il est proche des milieux gaullistes et dirige même le comité de soutien au général de Gaulle en mai 1958[11]. Son analyse selon laquelle il n’est pas facile à un métropolitain de s’intégrer dans l’Algérie coloniale en guerre paraît confirmée dans un rapport de la fin de l’année 1959 qui affirme que le « jeune démobilisé » croit ce pays « hostile, à tort ou à raison, aux métropolitains »[12].

Cependant les autorités civiles et militaires tentent d’assurer à ces nouveaux pionniers un confort attractif, leur permettant de compenser l’éloignement de leurs attaches familiales métropolitaines. Deux structures ont la charge de faciliter le contact entre offres d’emploi et appelés. L’Office civil de recrutement, créé à l’été 1957, publie les postes destinés aux administrations algériennes et diffuse les informations les concernant. Il dépend de la Direction générale des Affaires politiques et de la Fonction publique du gouvernement général[13]. Pour le reste, les contacts avec les futurs employeurs sont facilités par des petites annonces publiées dans Le Bled à partir de 1958 et par la mise en place d’une permission de six jours accordée à ceux qui souhaitent se présenter à un employeur. C’est le Comité Armées-Jeunesse d’Algérie, créé fin 1957, qui organise les contacts[14]. Ainsi, début 1958, il prévoit d’organiser des visites d’exploitations agricoles pour faire connaître les « milieux ruraux » et les « méthodes de culture utilisées en Algérie » aux appelés métropolitains dans l’espoir explicite que la « connaissance de l’Algérie ne [puisse] qu’éveiller chez certains de ces militaires le désir de s’y fixer ». Une liaison avec les centres d’études techniques agricoles - il y en a sept dans l’Algérois, huit dans l’Oranais et cinq dans le Constantinois -, les sociétés agricoles de prévoyance et les secteurs d’amélioration rurale est aussi prévue ainsi que l’organisation de visites dans des « entreprises industrielles » afin de faire découvrir aux « militaires ouvriers en particulier [...] d’une façon concrète l’essor industriel et économique algérien ainsi que les possibilités d’emploi existant »[15]. Très enthousiaste, le CAJA soutient aussi la mise en place d’« équipes de contact », décentralisées, afin de faciliter les liens entre patronat, administration et armée. Cette décentralisation accompagne celle des comités Armées-Jeunesse, laquelle est supprimée à la fin de l’année 1959 - les 5e Bureaux récupérant une attribution qu’ils jugent de leur compétence... ce que leur dissolution, quelques mois plus tard, bouleverse de nouveau. Finalement les autorités civiles reprennent les choses en main dans ce domaine comme dans d’autres début 1960 : la Direction du travail et de la main-d’œuvre, présente à Alger, Oran et Constantine, est chargée de cette liaison entre les nouveaux besoins stimulés par le plan de Constantine et les désirs de certains militaires en vue de leur démobilisation[16]. En réalité, à aucun moment la question ne semble avoir été prioritaire pour le CAJA qui accorde plutôt le maximum de son attention à l’amélioration des liens entre l’armée et les jeunes « Français Musulmans »[17].

Une fois démobilisés, les jeunes militaires se voient attribuer un certain nombre d’avantages. Logiquement, la première mesure semble avoir été de leur permettre de garder le bénéfice du rapatriement en métropole aux frais de l’État pendant les cinq années suivant la date de leur libération[18]. Ensuite, les candidats ayant obtenu un emploi de fonctionnaires titulaires se voient offrir une prime « de recrutement et d’installation »[19] et des mesures incitatives sont prises afin de faciliter les prêts d’installation dans l’ensemble des secteurs économiques[20]. Pour l’essentiel, il s’agit d’une reprise des dispositions des textes ayant suivi la Seconde Guerre mondiale relatifs à l’« attribution de prêts d’installation aux anciens prisonniers de guerre, déportés et réfugiés »[21]. Des taux d’intérêt avantageux et des plafonds sont fixés[22]. Enfin, un assouplissement des conditions d’accès à la propriété est proposé puisqu’un apport de 10 % suffit aux demandeurs à qui le reste peut être prêté à un taux de 3 % au lieu des 4 % ordinairement proposés[23] - l’Administration ajoutant une avance offerte aux militaires décorés de la médaille commémorative, c’est-à-dire à la quasi-totalité des candidats potentiels[24].

Ces incitations intéressèrent des dizaines de milliers de militaires. Fin 1957, le Comité Armées-Jeunesse d’Algérie constatait que 2 500 demandes étaient parvenues pendant l’année aux bureaux de main-d’œuvre de la part de jeunes libérables souhaitant s’installer[25]. En 1958, la structure reçut 1 000 à 1 500 lettres mensuelles : la mise en place d’une structure d’interface liée à l’armée et le développement de l’information sur les possibilités d’installation avaient assurément déclenché des désirs. Les chiffres manquent pour les années suivantes, mais le décalage est demeuré entre l’abondance relative des demandes et le faible nombre d’installations effectives en Algérie. En 1960, le rapport entre les mises en relation employeur-militaire et l’installation effective est estimé de 4 à 5.

En juin 1960, le Premier bureau de l’État-major interarmes comptabilise 3 800 militaires du contingent originaires de métropole « ayant déclaré se retirer en Algérie » depuis le 1er janvier 1956. Il s’agit donc certainement d’un maximum. Si on considère que la politique incitative en la matière a surtout commencé à partir du printemps 1957, la moyenne annuelle serait autour de 1 200 démobilisés. Dans l’année qui suit, les chiffres commencent à baisser et la dégradation est spectaculaire à partir d’avril 1961. Au total, jusqu’en décembre 1961, près de 820 personnes se sont ajoutées aux quelques milliers précédemment installés. Alors que le Constantinois avait plus attiré que l’Oranais jusqu’en juin 1960, la région attire deux fois moins par la suite. L’Algérois, en revanche, continue toujours à drainer plus de la moitié du flux - et 54,5 % du total[26]. Les éléments sont trop peu nombreux pour éclairer ces choix. Ainsi le Constantinois pouvait paraître a priori moins attractif que l’Oranais du fait de sa moindre urbanité, de la moindre importance de sa population européenne et de la dureté de la guerre qui s’y mène, mais les chiffres semblent contredire cet a priori au moins jusqu’en juin 1960[27].

L’essentiel est néanmoins l’échec de cette politique d’installation de nouveaux colons en Algérie. Tirant un premier bilan de l’action entreprise, fin 1959, le général Durand, commandant le Comité Armées-Jeunesse, et son adjoint pour l’Algérie le lieutenant-colonel Léonard, la présente comme une réponse imaginée face aux « départs nombreux de FSE » repérés entre 1954 et 1957[28]. La décision aurait alors été prise, dès 1956, de favoriser de nouveaux colons. Cependant, devant les résultats, les deux officiers se montrent perplexes sur les modalités de l’action accomplie. L’incertitude de l’avenir est explicitement évoquée pour dénoncer une politique d’accession à la propriété privée basée sur des emprunts à long terme. Avec diplomatie mais fermeté, le lieutenant-colonel Léonard s’interroge :

Dans l’hypothèse impensable et irréalisable certes, d’un repli de la France, quel sera le sort des démobilisés ayant sollicité un prêt et qui s’inquiètent aujourd’hui d’avoir tiré trop rapidement une créance à vie ? En cas d’échec de la politique française en Algérie, leur prêt leur sera-t-il remboursé ? À ces questions, conclue-t-il, tous demandent une réponse dans une politique d’implantation nettement posée et définie.[29]

Une réponse a-t-elle été apportée au lieutenant-colonel Léonard et, au-delà, aux hommes dont il se faisait l’écho ? En réalité, la question de l’accession à la propriété était largement théorique dans un contexte de pénurie de logements importante. Le point est régulièrement évoqué : malgré des plans de construction ambitieux, les chiffres sont totalement insatisfaisants[30] et les prix des logements disponibles sont élevés. Dans la période d’attente d’un logement à bon marché, les militaires ont donc à faire face à des difficultés matérielles que le CAJA propose de résoudre, en avril 1958, en créant des centres d’accueil pour « les ménages fondés par des militaires métropolitains libérés et voulant se fixer en Algérie ». Ces centres offriraient un logement gratuit en HLM le temps que ces ménages puissent devenir propriétaires - idéal toujours encouragé. Une fondation est envisagée à cette fin mais le projet n’aboutit pas. Est-ce faute de donateurs ou, plus largement, le reflet de la pénurie de logements sociaux en Algérie comme en métropole ? Face à ce problème récurrent, une nouvelle solution est donc envisagée fin 1959 : étendre les activités de la Sonacotral en Algérie ou y créer une société analogue[31]. Le parallèle est explicitement fait par le général Durand, que le symbole ne semble pas choquer dans un cadre pensé comme national, de part et d’autre de la Méditerranée :

La solution nationale, réalisée en métropole, pour les travailleurs français musulmans, écrit-il, doit servir d’exemple à ce qui doit être mis sur pied en Algérie.[32]

Cette image d’une symétrie entre les deux rives de la Méditerranée est très présente dans l’action du Comité Armées-Jeunesse dont une des principales activités est menée en direction des jeunes gens d’Algérie. Plus largement, la notion d’échange des compétences selon les besoins est présente, tant le flux d’Algériens allant travailler en France est devenu une réalité économique importante de la France de la fin des années 1950[33]. Or l’« Algérie a besoin de cadres, de techniciens, d’ouvriers qualifiés alors que les demandes concernent presque exclusivement des emplois d’ouvriers sans qualification et d’employés de bureau »[34]. Ce décalage est certainement le plus important dysfonctionnement de la politique d’installation de nouveaux colons, à quoi il faut ajouter le plus faible niveau de salaire proposé en Algérie.

Au-delà de l’échec économique, cette politique est bien sûr un échec politique. Comptant sur la découverte du pays accomplie au cours du service militaire et sur une propagande vantant un pays offert aux initiatives de jeunes gens dynamiques, dans la lignée des pionniers du xixe siècle, dont on rappelle incidemment les grandes réussites, les autorités civiles puis, surtout, militaires[35], ont tenté de séduire les militaires métropolitains. Ceux-ci ont aussi pu être envisagés comme un apport modérateur politiquement, à mesure que la population européenne d’Algérie se radicalisait. Sur ce point aussi, l’échec est net. En mai 1959, le lieutenant-colonel Léonard avait en effet mis en place l’Association algérienne des jeunes démobilisés métropolitains, présidée par un jeune patron du secteur immobilier. Il s’agissait de faciliter les contacts entre démobilisés, d’être une structure relais du CAJA pour l’information à destination des militaires mais aussi, peut-être, d’être « un embryon de troisième force » - c’est en tout cas ce qu’estime une fiche du 5e Bureau du corps d’armée d’Alger. Or l’association, peu nombreuse - 200 adhérents - et essentiellement, si ce n’est exclusivement, algéroise, ne semble pas regrouper des hommes représentatifs de l’ensemble des démobilisés : un jeune patron puis un boucher charcutier la dirigent. Surtout elle connaît les mêmes divisions que l’ensemble du milieu européen d’Alger, entre ceux qui soutiennent la politique française en Algérie et ceux qui la désapprouvent, jusqu’à soutenir les barricades en janvier 1960 voire s’engager dans l’Organisation armée secrète (OAS) ensuite. D’anciens démobilisés ont certainement soutenu le putsch, d’autres ont fait de la prison pour leur lien avec l’OAS ; la plupart sont vraisemblablement rentrés avec les autres Français d’Algérie dans la grande vague du printemps 1962.

Si leur invisibilité historique atteste à sa manière de leur fusion dans l’ensemble des Français d’Algérie, elle rappelle surtout leur faible nombre : goutte d’eau à contre-courant d’une histoire dont la politique à marche forcée, souhaitée notamment par le plan de Constantine, n’a pas suffi à inverser le cours.

Bibliographie

Bantigny Ludivine. Le plus bel âge ? Jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960. Thèse d’histoire, Institut d’études politiques, Paris, 2003.

Bernardot Marc. Une politique de logement : la Sonacotra (1956-1992). Thèse de sociologie, Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, 1997.

Lefeuvre Daniel. « Les prémices de l’exode des Français d’Algérie ». Cahiers d’histoire immédiate, 2005, n° 28, p. 67-76.

Stora Benjamin. Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992. Paris : Fayard, 1992.

Viet Vincent. « La politique du logement des immigrés (1945-1990) ». Vingtième Siècle. Revue d’histoire, octobre-décembre 1999, n° 64, p. 91-104.


[1] Note de service du bureau psychologique de l’état-major du général Lorillot, 12 juin 1956, Service historique de l’armée de terre (SHAT) : 1H 2397/1*.

[2] Lettre de Paul B. à Robert Lacoste, 19 décembre 1956, Centre des archives d’Outre-mer (CAOM) : 12CAB179*.

[3] Ainsi un texte du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie (CAJA) précise : « La jeunesse est l’avenir de l’Algérie, c’est à cette jeunesse de bâtir l’avenir. La jeunesse d’Algérie doit avoir une mentalité de pionniers. [...] l’Armée peut aider la jeunesse à œuvrer en commun [sic] pour bâtir l’avenir de l’Algérie. » Le CAJA s’emploie à développer les contacts entre Algériens et Français, à organiser des visites en France pour les jeunes Algériens, à prendre soin du recasement des militaires algériens dans la vie civile. Ce dernier point est considéré comme le pendant de l’installation des démobilisés métropolitains en Algérie. Voir le texte du projet de CAJA du 22 novembre 1957, CAOM : 12CAB179*.

[4] Tract de l’Office civil de recrutement, 18 février 1958, SHAT : 1H 1402.

[5] Lieutenant-colonel Léonard, « D’une politique d’implantation des Français métropolitains en Algérie », fin 1959, SHAT : 1H 2564.

[6] Éditorial de « Radio France » telle que rebaptisée par les putschistes le 23 avril 1961 (SHAT : 1H 1256/3), cité par Ludivine Bantigny in Le plus bel âge ? Jeunes, institutions et pouvoirs en France des années 1950 au début des années 1960, thèse de doctorat sous la direction de Jean-François Sirinelli, Institut d’études politiques, Paris, 2003.

[7] Elle est explicitement décrite ainsi par un de ses principaux promoteurs en 1959. Voir le texte du lieutenant-colonel Léonard, fin 1959, SHAT : 1H 2564.

[8] Cette association fut créée en mai 1959 à l’initiative du secrétaire général du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie. Elle est d’ailleurs domiciliée dans le bâtiment même du CAJA à Alger. Voir plus bas.

[9] Circulaire de la Sous-direction du Travail (délégué général : André Jacomet), 18 janvier 1960, SHAT : 1H 2564.

[10] Lettre d’Yves le Tac à Michel Gorlin, 13 avril 1958, CAOM : 12CAB234.

[11] Accusé par l’Organisation armée secrète (OAS) d’être trop proche des barbouzes du régime gaulliste, Yves Le Tac est la cible de plusieurs attentats en 1961 et 1962. On tente même de l’achever sur son lit d’hôpital du Val-de-Grâce : le commando chargé de l’exécution est dirigé par Daniel Godot. Voir Franck Renaud, Joël Le Tac. Le Breton de Montmartre. Rennes : Éditions Ouest-France, 1994 ; et Rémi Kauffer, OAS. Histoire de la guerre franco-française. Paris : Seuil, 2002.

[12] Rapport du général Durand, 17 octobre 1959, SHAT : 1H 2564.

[13] Dans ce domaine, c’est sans doute la politique d’ouverture des postes de l’administration algérienne aux « Français musulmans » qui a le mieux fonctionné.

[14] Dépendant du Haut comité de la jeunesse, rattaché à la présidence du Conseil, le Comité Armées-Jeunesse crée une branche en Algérie fin 1957. Le CAJA est rattaché au cabinet du général Salan. Il est rapidement décidé de créer des sections à l’échelle des igamies et des départements. Voir la lettre du général de brigade Lacomme, président du CAJA au général Salan, 25 juillet 1958, CAOM : 13CAB42.

[15] Réunion plénière du CAJA avec bilan de l’action dans les régions, 28 mars 1958, CAOM : 13CAB42.

[16] Compte rendu de la réunion du CAJA du 16 décembre 1959, CAOM : 14CAB/231. La consultation des archives de cette Direction permettrait sans doute de compléter l’étude de ces contacts et de ces installations.

[17] C’est ainsi que sont mis en place des séjours de jeunes d’Algérie en métropole et notamment au centre de formation des moniteurs de la jeunesse algérienne à Issoire. L’idée sous-jacente est de former des Français musulmans appelés sous les drapeaux pour qu’ils puissent ensuite proposer des activités aux jeunes Algériens dont l’oisiveté est décrite comme une des causes de la montée au maquis.

[18] En cas d’installation immédiate en Algérie sans rapatriement en métropole souhaité, les frais étaient payés à l’intéressé. Décret n° 56-1188 du 5 novembre 1956, Journal officiel de la République française (JORF) du 25 novembre 1956.

[19] Décret du 27 octobre 1956, Journal officiel algérien (JOA) du 28 octobre 1956.

[20] Décret du 15 mai 1957, JOA du 21 mai 1957.

[21] Dans les secteurs du commerce, de l’industrie et de l’artisanat, c’est l’ordonnance du 5 octobre 1945 étendue à l’Algérie par le décret n° 47-1048 du 12 juin 1947 et pour le secteur agricole, c’est une décision de l’Assemblée algérienne de 1948 à propos des « démobilisés, prisonniers rapatriés ou anciens déportés ».

[22] Arrêté du 17 juillet 1957 (JOA du 23 juillet 1957) qui précise pour le secteur commercial, un taux d’intérêt de 3,5 % par an et pour le secteur industriel et artisanal, un taux de 2 % avec un plafond de trois millions de francs sur dix ans. Quant au secteur agricole, un taux de 1,5 % et un plafond de cinq millions de francs sur une durée variable.

[23] Voir notamment l’arrêté du préfet Chaussade du 12 mai 1958, article 36, publié au JOA du 23 mai 1958.

[24] Fiche n° 4 du CAJA, « Avantages prévus par le gouvernement pour les démobilisés originaires de métropole qui se fixent en Algérie », février 1958, SHAT : 1H 1402. La « médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en AFN » a été créée par le décret n° 56-1032 du 12 octobre 1956. Elle est accordée aux militaires « ayant participé, pendant 90 jours au moins dans une formation régulière ou supplétive, aux opérations de sécurité et de maintien de l’ordre ». Le délai de 90 jours n’est pas exigé pour les blessés en opérations ou les militaires décorés de la croix de la valeur militaire.

[25] Compte rendu de séance du groupe de travail n° 4, Comité Armées-Jeunesse d’Algérie, 11 décembre 1957, SHAT : 1H 2564.

[26] Fiches statistiques du Premier bureau de l’État-major interarmes, SHAT : 1H 1390/4. Les statistiques ne permettent pas d’apprécier la répartition par armes. Seule la distinction entre officiers, sous-officiers et hommes de troupe est faite.

[27] Cependant à défaut de chiffres bimestriels précis avant juin 1960, il est impossible de repérer une éventuelle évolution par corps d’armée, qui aurait commencé avant juin 1960.

[28] Plus précisément, Daniel Lefeuvre a montré que les départs vers la métropole des Français d’Algérie s’accélèrent à partir de l’été 1955. Entre 1955 et le printemps 1962, ce sont 240 000 Français d’Algérie qui ont rejoint la France, soit un quart de cette communauté. Voir, par exemple, Daniel Lefeuvre, « Les prémices de l’exode des Français d’Algérie ». Cahiers d’histoire immédiate, 2005, n° 28, p. 67-76.

[29] Lieutenant-colonel Léonard, « D’une politique d’implantation des Français métropolitains en Algérie », joint au rapport du général Durand sur le logement des libérables métropolitains se fixant en Algérie, 17 octobre 1959, SHAT : 1H 2564. Rapport également en annexe du compte rendu de la réunion plénière du CAJA du 24 juin 1960, CAOM : 14CAB/231.

[30] Le CAJA déplore ainsi, en mars 1958, qu’un plan de 2 000 logements - sociaux ? - seulement ait été programmé pour Oran en 1960 alors que 10 000 demandes de logements en HLM ont été déposées. Voir réunion plénière du CAJA avec bilan de l’action dans les régions, 28 mars 1958, CAOM : 13CAB42.

[31] Créée en 1956 pour faire face à l’importance de l’immigration algérienne, la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens en métropole a pour but de lutter contre les conditions délabrées de logement des Algériens - garnis et bidonvilles - dans un contexte de développement de l’immigration notamment familiale puisqu’on estime qu’entre 1953 et 1960, le nombre de familles algériennes en France serait passé de 3 à 20 000.

[32] Rapport du général Durand, archive citée.

[33] Voir Benjamin Stora, Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992. Paris : Fayard, 1992.

[34] Réunion plénière du CAJA avec bilan de l’action dans les régions, 28 mars 1958, CAOM : 13CAB42.

[35] En effet, cette politique connaît sa période d’expansion sous les commandements des généraux Salan puis Challe, soit à des périodes où les militaires ont acquis un pouvoir maximal en Algérie.


Citer cet article :
Raphaëlle Branche «  De nouveaux colons ? L’installation des militaires français démobilisés en Algérie (1956-1962)  », colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3?id_article=251